L'affaire EADS sonne comme un désaveu pour l'AMF

ÉgulationLa décision de la commission des sanctions dans l'affaire EADS est un désaveu du travail d'enquête de l'Autorité des marchés financiers (AMF). » Pour Jean-Jacques Daigre, professeur à l'École de droit de la Sorbonne et avocat au barreau de Paris, la commission, dont les conclusions ont été publiées jeudi soir, confirme « de façon éclatante son indépendance vis-à-vis du reste de l'institution ». Le collège de l'AMF avait décidé, au terme d'une enquête entamée en mai 2006, d'ouvrir une procédure de sanction à l'encontre de 17 dirigeants du groupe aéronautique EADS, soupçonnés de s'être enrichis indûment en profitant d'une information privilégiée. Mais la commission des sanctions vient de balayer l'ensemble des griefs retenus alors, tout comme les conclusions de son rapporteur qui avait proposé des sanctions pécuniaires pour manquement d'initié à l'encontre de sept des protagonistes, allant jusqu'à 5,45 millions d'euros s'agissant de Noël Forgeard, ancien coprésident exécutif d'EADS. Jeudi soir, tous ont été mis hors de cause. « Bienveillante », cette décision n'en reste pas moins juridiquement motivée, selon Jean-Jacques Daigre. « La commission a rappelé à l'AMF qu'elle avait retenu dans son règlement général une définition de l'information privilégiée : celle d'une information précise qui, connue du grand public, aurait eu un impact sur le cours de Bourse. Or les informations industrielles dans les mains des dirigeants d'EADS entre décembre 2005 et mars 2006 étaient suffisamment imprécises et incertaines pour avoir eu une influence sensible sur le cours de Bourse, une fois portées à la connaissance d'investisseurs ordinaires. »une premièrePlus exactement, le règlement fait mention d'une information qu'un « investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement ». Un argument repris par la commission des sanctions. Pour le juriste, c'est une première. « Peut-être faudra-t-il revoir les textes pour rappeler que les dirigeants ne sont pas des actionnaires ordinaires ? Mais ce sera très difficile, car il s'agit de textes européens. » « C'est un véritable jalon dans la maturité de l'AMF. Cette affaire aidera sans doute à la réforme de l'institution », estime un autre avocat. Le régulateur a tenu à réagir dans la foulée de ce verdict. Dans un communiqué, l'AMF a appuyé sa volonté de renforcer sa procédure d'enquête. Surtout, Jean-Pierre Jouyet, son président, a réitéré le souhait que le collège puisse faire appel des décisions de la commission des sanctions. Le timing de ce communiqué laisse à penser que cette possibilité aurait pu être utilisée dans le dossier EADS.À court terme, l'image de l'AMF n'en ressort pas grandie. Colette Neuville, présidente de l'Association de défense des actionnaires minoritaires (Adam), s'est dite « scandalisée ». « Si, dans cette affaire, on ne peut caractériser un délit d'initiés, cela signifie qu'il faut revoir les critères de ce délit », a-t-elle déclaré à l'AFP. « Quand il y a un écart aussi grand entre la perception des faits par l'opinion publique et la décision finale, il est inévitable qu'il y ait un grand sentiment de malaise et d'injustice. » L'Association des petits porteurs actifs (Appac) s'est aussi étonnée de ce revirement. L'Appac a porté plainte contre X en juin 2006 pour diffusion de fausses informations au marché et délits d'initiés. La décision de la commission des sanctions de blanchir l'ensemble des protagonistes de l'affaire EADS ne ferme pas la porte à des sanctions au pénal. Une procédure judiciaire est toujours en cours.
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