Le Japon sauve ses sushis de thon rouge

La bataille du thon rouge a été brève, mais la guerre de la surpêche n'est pas finie. Jeudi, les États représentés à la conférence de la Convention internationale sur le commerce des espèces sauvages menacées (CITES), réunis à Doha, ont refusé l'interdiction de la commercialisation de cette espèce de thonidés par 68 voix contre 20. Derrière cette arithmétique se cachait une bataille entre les États-Unis et l'Union Européenne, partisans de l'interdiction, et le Japon. Ce dernier avait fait de ce vote un enjeu national. Les quotidiens nationaux relataient jour après jour les travaux préparatoires de la Convention. Le ministère des Pêches japonais, très présent à Doha, a mené avec succès un intense lobbying pour rallier à sa cause les pays en développement et faire pencher la balance en sa faveur. Vendredi, les quotidiens nationaux se félicitaient de la « victoire » japonaise. Marché aux poissons de TsukijiC'est que tout ce qui touche à la pêche est très sensible au Japon. Elle est la base des habitudes alimentaires et d'une partie de la culture du pays, comme le montre l'extrême sensibilité de la diplomatie nippone à la question, en apparence anodine, de la pêche à la baleine. Dans cette culture, le thon occupe une place centrale. Les trois quarts du thon rouge pris dans le monde, dont une bonne partie en Méditerranée, terminent dans les restaurants japonais. Sa chair fait les délices des gourmets amateurs de sushis et de sashimi. Chaque 1er janvier, les enchères du gigantesque marché aux poissons de Tsukiji, à Tokyo, ont pour point d'orgue la vente du thon le plus cher, relatée par les médias nationaux. Une interdiction de commercialiser ce poisson aurait entraîné une inflation des prix mortelle pour une partie des grossistes, distributeurs et restaurants de la filière. Déjà, le prix au détail du kilo de thon rouge pêché dans l'Atlantique est passé de 4000 à 6500 yens (53 euros) entre novembre et février dernier.Opinion publique hostileReste qu'au nom de la préservation de son mode de vie, le Japon, qui se présente comme un leader de l'économie « verte » et du respect de l'environnement, est devenu la bête noire des écologistes en ce qui concerne la préservation des espèces marines, et qu'il a déjà perdu la bataille de l'opinion publique mondiale. Il y a quelques jours, l'Académie américaine du cinéma a décerné son Oscar du meilleur documentaire à The Cove, qui dénonce la pêche de dauphins dans le petit port de Taiji, à l'est du pays. Les baleiniers japonais sont pris d'assaut par des activistes de plus en plus audacieux et violents, au risque de compter bientôt des pertes humaines au nom de la préservation d'une espèce animale. À Doha, le Japon a sans doute simplement gagné du temps.
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