Le nuage passe, les dégâts économiques restent

Les volcans islandais aussi font des caprices. Quatre jours après le début de l'éruption, le ciel européen demeure profondément perturbé par les scories de l'Eyjafjöll, laissant apparaître un constat qui ne laisse pas d'étonner : notre économie moderne reste étrangement vulnérable devant les impondérables de la nature, justement parce qu'elle est sophistiquée. Le maillage serré de liaisons aériennes crée autant de dépendances pour le transport des marchandises et celui des hommes.Chez Saint-Gobain lundi matin, trois personnes sur neuf manquaient à la réunion de la direction générale : le directeur marketing, le directeur de la recherche et celui des ressources humaines, tous bloqués à l'étranger. Au siège de Lego, à Billund au Danemark, 140 personnes étaient attendues pour la réunion annuelle des directeurs commerciaux de la marque de jouets. La moitié seulement ont pu s'y rendre. « Cela complique la vie quotidienne d'un groupe présent dans 52 pays », reconnaît Éric Maugein, directeur général de Lego en France. Nombre d'entreprises se retrouvent ainsi avec des équipes désorganisées. Les grands groupes peuvent faire face, mais « cela déstabilise les PME », s'inquiète Catherine Chapalain, directrice générale de l'Ania, le syndicat des industries alimentaires. Le Medef a proposé hier d'étendre le chômage partiel aux entreprises affectées par la fermeture des aéroports.Au-delà des hommes, tout le business se retrouve chamboulé. Les compagnies aériennes et les voyagistes, bien sûr, redoutent de lourdes pertes. On ne parle plus de voyageurs, d'ailleurs, mais de rapatriés ! Partout les annulations se succèdent. Le chinois Agfeed Industries, un éleveur de porcs, a reporté à une date indéterminée sa présentation prévue jeudi à Paris en vue d'une cotation sur Nyse Alternext. Les marchandises aussi sont bloquées, paralysant certaines productions. BMW, le constructeur automobile, pourrait arrêter son usine américaine de Spartanburg, le blocage aérien menaçant les livraisons de pièces fabriquées en Allemagne. Chez PSA, c'est la pénurie de composants électroniques venus d'Asie par avion qui pourrait perturber les usines. Et les directeurs généraux de Peugeot et Citroën se demandent s'ils pourront aller au salon de Pékin, à la fin de cette semaine. En a-t-on trop fait, au nom de ce fichu « principe de précaution » ? zéro risqueLa France est le seul pays à avoir inscrit ce principe dans sa Constitution, mais toute l'Europe s'est comportée à l'unisson : zéro risque. On pourra brocarder l'excès de prudence du Vieux Continent. Reste que ce sont nos sociétés qui sont devenues allergiques à l'incertitude, surtout lorsqu'il s'agit de la vie humaine. Le principe de précaution est par définition une source d'abus, souligne le philosophe François Ewald, puisqu'il vise à empêcher toute prise de risque. L'action, en l'occurrence l'interdiction des vols, est décidée non pas à partir d'une évaluation rationnelle, mais en fonction des conséquences de la pire hypothèse, quelle que soit sa probabilité. Bienvenue dans les temps modernes.
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