Mme Lagarde, les banques et la politique

Christine Lagarde a un grand avenir politique devant elle. À ceux qui réclamaient avec des accents de Robespierre d'augmenter de 10 % l'impôt sur les sociétés des banques, dans le sillage des Belges et de quelques Anglais en colère, pour « faire payer les responsables de la crise », notre ministre de l'Économie vient de faire une réponse politique fort habile : elle propose plutôt de faire supporter aux banques le coût de leur régulation. À première vue, elle donne donc des gages politiques aux contribuables qui ont sauvé les établissements financiers de la crise de liquidité avant de leur donner la possibilité d'engranger de confortables profits. Ainsi qu'à une partie de la majorité présidentielle qui commençait à s'émouvoir de voir les banques s'empresser de revenir aux pratiques du passé. Il fallait que les banques expient le fait d'être des banques ? Voilà qui est fait : elles paieront ! Même si, à y regarder de plus près, le coût de la régulation ne sera pour les banques qu'une fraction de l'impôt additionnel qu'elles auraient dû payer si celui-ci avait été voté par les deux assemblées. Et si cette initiative visait d'abord à réparer une anomalie française : dans la plupart des grands pays, ce sont les banques qui paient pour leur régulation, comme le font déjà en France, assureurs et émetteurs. Or cette régularisation était d'autant plus nécessaire que Bercy s'apprête à fusionner le régulateur des assurances et celui des banques. Crise ou pas, tout ceci aurait sans doute eu lieu. Alors, beaucoup de bruit politique pour rien ? Ce n'est pas sûr. Car le message de la ministre de l'Économie est plus élaboré qu'il n'y parait. Elle accrédite l'idée, très en vogue aujourd'hui, selon laquelle les banques doivent s'acquitter d'une « prime d'assurance » au titre de l'assurance tous risques que leur apporte l'État depuis la chute de Lehman : quoi qu'il arrive, il sera leur assureur en dernier ressort. Les faire payer pour leur contrôle revient en quelque sorte à les faire payer pour leur assurance. Or, pour que l'autorité de régulation joue pleinement son rôle, il faut qu'elle ait des moyens à la hauteur des établissements qu'elle contrôle. Partout, on réalise qu'une bonne régulation, ça coûte cher. En hommes suffisamment pointus pour comprendre les risques créés par les nouveaux produits financiers. Mais aussi en moyens informatiques, pour détecter les déséquilibres sur les marchés. La proposition de Christine Lagarde ne rapportera pas grand-chose dans les caisses de l'État. Mais si la « prime d'assurance » est assez élevée, elle répondra en partie à la question de la régulation des banques. [email protected] Valérie SEGOND
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