Pierre Moscovici présente sa réforme bancaire... mais ne convainc pas

Soucieux de défendre son projet de loi sur la réforme bancaire Pierre Moscovici a tenté lors d\'une conférence de presse mercredi matin de répondre aux critiques qui ont émergé ces dernières semaines. Un exercice de haute voltige, et pas vraiment réussi.La France « à l’avant-poste en Europe en matière de régulation »Se défendant d’avoir élaboré une réforme \"prétendument faite par et pour le lobby bancaire\", Pierre Moscovici a présenté son texte comme \"un texte précurseur\". L’inscrivant dans le contexte de régulation financière au niveau européen, il a estimé que le projet de loi sur la réforme bancaire plaçait \"la France à l’avant-poste en Europe en matière de régulation\", à la fois sur la supervision, sur la question de la garantie des dépôts et sur la résolution. Le ministre de l’Economie a souligné que \"les négociations au niveau communautaire [avaient] fait des progrès décisifs\". Pour lui, \"c’est la France qui était très largement à l’origine de ces progrès\".Le 13 décembre dernier, les Vingt-Sept étaient difficilement parvenus à un accord sur les modalités d\'un mécanisme de supervision des banques de la zone euro sous l\'égide de la Banque centrale européenne, premier pas vers une Union bancaire. Selon le ministre, l’Allemagne souhaiterait elle aussi \"s’engager dans un processus de réforme \". Le projet de loi serait ainsi un \" encouragement pour les partenaires européens à rejoindre [la France] dans sa démarche \".Pas de compromission, pas de reniement, pas de trahison\"Il s’agit de protéger les dépôts des épargnants et aussi les contribuables en tournant fermement la finance vers l’économie réelle\", a déclaré Pierre Moscovici, assurant qu\'il était \"totalement dans le respect de (l\') engagement\" pris par le candidat François Hollande. \"Il n\'y a pas eu de compromission, pas de reniement, pas de trahison\", a martelé le ministre, assurant avoir \"conçu cette réforme pour qu\'elle change profondément le secteur\".Les quatre volets du projet de loiDétaillant les quatre volets du projet de loi (séparation des activités utiles des activités spéculatives, renforcement de la capacité d’intervention des autorités publiques en cas de crise, prévention des risques systémiques et protection du consommateur), le ministre de l’Economie a encore voulu répondre aux critiques.Sur le volet \"séparation\" par exemple, le projet de loi obligera les établissements bancaires à cantonner leurs activités pour compte propre qui n’ont pas d’utilité avérée pour le financement de l’économie dans une filiale capitalisée et financée de manière autonome, a-t-il détaillé. Les expositions du groupe bancaire à sa filiale (10 % maximum) devront être déduites de ses fonds propres. La banque ne pourra en outre faire bénéficier sa filiale ni de sa garantie, ni d’un refinancement intragroupe. Objectif visé : empêcher que la banque ne spécule a son propre profit sur la base des dépôts des clients. « Il ne s’agit pas de casser ce qui marche, c\'est-à-dire la banque universelle », a toutefois précisé Pierre Moscovici.Un cantonnement et des interdictions extrêmement limitésAlors que certaines estimations évaluent à moins de 1 % la part du produit net bancaire (total) qui serait concernée par le cantonnement, le ministre a tenu à préciser que \"les activités visées par la séparation représentent à aujourd’hui jusqu’à 10 % du produit net bancaire que les grandes banques françaises dégagent avec leur activité de marché, mais ce chiffre est monté à près de 25 % pour certaines banques en 2006\". \"Le 21 novembre dernier, M. Papiasse, dirigeant de la BFI de BNP Paribas, avait pourtant indiqué devant un parterre de journalistes que le projet de loi n’affecterait que 2 % du PNB de la seule BFI\", précise Christophe Nijdam, analyste chez AlphaValue. En fait, les activités de marché évoquées par Pierre Moscovici se référant au \"i\" de la BFI, les comparaisons sont (à dessein ?) particulièrement difficiles à établir.\"Lorsque l’on recalcule la part du PNB total de BNP Paribas en 2011 qui serait concerné par le cantonnement, sur la base des déclarations de M.Papiasse et de M.Moscovici, on trouve que selon le banquier 0,5 % du PNB total de la banque serait affecté, contre 1,3 % selon le ministre\", décrypte Christophe Nijdam.\"Il ne s’agit pas de casser ce qui marche mais d’interdire ce qui est nocif\", a défendu Pierre Moscovici. Parmi les activités nocives interdites aux filiales (mais pas à la maison-mère dans la mesure où elle fournit un service à ses clients) : les opérations de dérivés sur les matières premières agricoles et le trading à haute fréquence. Autre interdiction : les banques n’auront pas le droit d’être actionnaires de \"hedge funds\" ni de leur accorder des formes non sécurisées de financement (c’est-à-dire non garanties par des actifs, ce qui ne correspond pas à la majorité des financements accordés aux fonds spéculatifs).Finalement autant le cantonnement des activités spéculatives que les interdictions sont extrêmement limitées.Par exemple, la plus grande partie du trading à haute fréquence est assimilée dans les banques à des activités de tenue de marché…qui échappent à ce titre à la filialisation des activités à risque.La fin de la socialisation des pertes, vraiment ?Le texte prévoit également \"un renforcement de la surveillance des activités de marché\" et donne plus de pouvoirs à l’ACP, qui gagne un R et devient \"l’Autorite de contrôle prudentiel et de résolution\". Le superviseur bancaire français est ainsi doté de pouvoirs d\'intervention renforcés en cas de défaillance d\'un établissement. L’objectif est d’éviter que les déposants et les contribuables ne soient mis à contribution. \"Le projet de loi met fin à la socialisation des pertes\", a affirmé Pierre Moscovici.Reste que, dans une note publiée aujourd’hui, Fitch juge que la réforme \"devrait laisser inchangée la dynamique de soutien aux banques du pays\" par l\'Etat. \"L\'un des objectifs clés de l\'exécutif est de préserver la stabilité du secteur bancaire et la volonté d\'apporter un soutien public [en cas de défaillance] demeure forte\", ajoutent les auteurs de la note, qui citent les cas de Dexia, du Crédit immobilier de France (CIF) et de Banque PSA, trois établissements secourus par l\'Etat en un peu plus d\'un an. L\'agence relève également que si le texte prévoit, en cas de défaillance, de mettre à contribution les actionnaires et les créanciers subordonnés (de second rang), il ne mentionne pas l\'implication des créanciers dits seniors (de premier rang).Le Parlement appelé à améliorer le texte Les discussions au Parlement pourraient donner lieu à des amendements ou des gestes symboliques afin d\'apaiser la frange la plus à gauche de la majorité. Le débat parlementaire aura lieu d’ici mi février. \"Ce texte n’est pas à prendre ou à laisser […] et il peut être amélioré pourquoi pas substantiellement\", a expliqué le ministre de l\'Economie et des Finances.  Les mesures du projet de loi détaillées sur le site du Ministère de l\'Economie et des FinancesUne réforme Canada Dry. L\'interview d\'Olivier Beruyer, président de DiaCrisis et auteur du blog www.les-crises.f
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