La Commission européenne contredit Sarkozy sur la taxe carbone aux frontières

La forteresse bruxelloise repousse tous les assauts de Paris pour instaurer une taxe carbone aux frontières. Dans une lettre commune avec le président du Conseil italien Silvio Berlusconi, Nicolas Sarkozy avait enjoint le président de la Commission de « préciser sans a priori les conditions dans lesquelles pourrait être mis en place un tel mécanisme », frappant les importations en provenance de zones extérieures à l'Europe qui ne luttent pas contre les émissions de carbone. Le front franco-italien prétend défendre l'industrie européenne soumise à des contraintes de réduction de ses émissions de CO2 très fortes, face à la concurrence brésilienne, chinoise ou sud-africaine. Fuite de carbone La Commission fait la sourde oreille. Elle « reconnaît le risque de fuite de carbone », a déclaré hier une porte-parole à " La Tribune ", tout en assurant avoir réglé le problème à travers le système d'allocation gratuite de droits à polluer pour les industries les plus exposées à la concurrence internationale. Le commissaire au commerce Karel de Gucht vient d'enfoncer le clou en rappelant qu'il n'était « toujours pas en faveur » d'une telle taxe qui « comporte de grands risques de déclencher une guerre commerciale ». La Commission, consciente de l'impopularité de l'idée parmi les 27, et notamment en Allemagne, n'apprécie pas de se faire forcer la main par l'Elysée. Juste après les mauvais résultats des élections régionales de mars, au moment de l'abandon de la taxe carbone en France, Nicolas Sarkozy avait annoncé que Bruxelles proposerait un tel instrument en juin, alors que celle-ci consent tout juste à l'étudier. « En juin, nous présenterons une évaluation qui analysera si des changements économiques majeurs justifieraient le recours à d'autres instruments », explique un porte-parole. On ne saurait être plus circonspect...Une taxe fondée Plusieurs économistes versent des munitions dans le camp français. L'économiste Philippe Aghion juge que l'Europe serait fondée à menacer ses partenaires d'une telle taxe dès lors qu'elle agit de façon unilatérale pour protéger le climat. A condition toutefois que « des technologies propres soient disponibles à un coût raisonnable » pour les pays en voie d'industrialisation. « Le fondement économique d'une taxe carbone sur les importations est clair. Sa traduction politique est, elle, confuse », écrit son confrère Daniel Gros.Rendez-vous tous azimutsLe parasitage du dossier par les enjeux de politique intérieure française n'est pas passé inaperçu à Bruxelles. Le projet français et la proposition de Sarkozy pour les frontières extérieures de l'Europe n'avaient pas grand chose à voir l'une avec l'autre. Ensuite, les lieutenants du président Sarkozy, Pierre Lellouche et Xavier Bertrand, ont nommé une « ambassadrice » taxe carbone en la personne de Françoise Grossetête. De son propre aveu, l'eurodéputée « prend des rendez-vous tous azimuts avec les industriels, la Commission, les députés » pour faire changer d'avis Bruxelles. Cette nomination surprise est intervenue le 7 avril alors que Rachida Dati avait déjà pris l'initiative de faire campagne au Parlement en faveur de la taxe carbone. Deux semaines plus tôt, l'intéressée annonçait par communiqué avoir « rencontré ses collègues parlementaires » ainsi que « de nombreux ministres européens de l'environnement » afin « de les convaincre de la nécessité de cette taxe carbone ». Deux taxes sont en question dans ce débat. La « taxe carbone » est un impôt national sur l'émission de CO2, généralisant le principe du pollueur-payeur à tous les émetteurs de CO2, publics et privés. A l'inverse, la « taxe carbone aux frontières », également appelée mécanisme d'inclusion carbone, est un droit de douane européen qui s'applique aux pays pollueurs. Il s'agit d'une compensation équivalente à l'effort prévu en Europe avec le dispositif de crédits carbone. Nicolas Sarkozy a dit qu'il renonçait à la première tant que la seconde n'était pas appliquée.
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