Fiat : le grand tournant

A 34 ans, John Elkann va succéder à Luca Cordero di Montezemolo à la présidence de Fiat, a annoncé mardi le groupe italien. L'arrivée d'un héritier de la famille Agnelli devrait s'accompagner d'une scission de la branche automobile du reste du consortium, selon une source proche du dossier. Surtout connu pour ses voitures de marques Fiat, Alfa Romeo, Lancia, Ferrari et Maserati, le groupe fabrique aussi des poids-lourds (Iveco), du matériel agricole et de BTP (CNH), des composants (Magneti Marelli) et il édite le journal turinois La Stampa. Ce serait donc la première fois, dans la très longue histoire d'une entreprise centenaire, que l'automobile vivrait sa propre vie. Tout un symbole.HéritierVice-président de Fiat depuis 2004, John Elkann avait déjà pris, il y a deux ans les rênes de l'empire en devenant président d'Ifil, rebaptisé depuis Exor, la holding qui gère les participations de la famille, dont les 30 % qu'elle détient dans Fiat. L' « Avvocato », Giovanni Agnelli, décédé fin janvier 2003 après une cinquantaine d'années aux commandes du groupe, avait lui-même désigné son petit-fils comme dauphin. Faute de mieux. En effet, c'est la mort du neveu chéri, Giovaninno, emporté à 33 ans en décembre 1997, qui avait laissé la place vacante à John Elkann, lequel n'était pas destiné initialement à recueillir l'héritage. Sauvée de la banquerouteC'est toutefois Sergio Marchionne, le bouillant et quelque peu despotique administrateur délégué de Fiat, qui continuera de tenir fermement les rênes opérationnelles de la multinationale, sauvée d'une quasi-banqueroute en 2004. Ce mercredi, l'homme fort du consortium piémontais doit justement dévoiler à Turin son grand plan stratégique quinquennal 2010-2014, lors d'une conférence fleuve prévue pour durer... six heures. Au menu: " le détail de l'intégration Fiat-Chrysler ", la grande alliance forgée par Sergio Marchionne l'an dernier, lors de la reprise du groupe américain en faillite. L'italien détient aujourd'hui 20 % de Chrysler et prévoit de porter par étape sa participation à 35 % d'ici deux ans. 5,5 millions de voitures en 2014L'ensemble Fiat-Chrysler est prévu pour vendre 5,5 millions de véhicules en 2014, soit 2 millions de plus qu'actuellement, selon le très optimiste administrateur délégué. De cette alliance, Sergio Marchionne attend de solides économies potentielles, à travers des synergies jugées indispensables pour la survie à moyen terme du turinois. Pour Fiat, les économies atteindraient 250 millions d'euros par an, selon les analystes de Mediobanca, soit 1,25 milliard d'ici à 2014. En novembre dernier, Chrysler avait indiqué qu'il économiserait pour sa part 2,9 milliards de dollars (2,1 milliards d'euros) à la même échéance. La nouvelle plateforme modulaire compacte de Fiat, inaugurée par la toute dernière Alfa Romeo Giulietta, devrait ainsi être utilisée pour 300.000 véhicules par an en Europe et 700.000 outre-Atlantique d'ici à 2014. Amélioration de la situation financièreFiat doit aussi publier ce mercredi ses résultats financiers du premier trimestre. Sergio Marchionne, dont la rémunération a augmenté de 41 % en 200,9 à 4,8 millions d'euros, a récemment affirmé qu'il s'attendait à un résultat net proche de l'équilibre en 2010, après une perte de 848 millions d'euros l'an passé, la première depuis qu'il en est devenu le patron opérationnel. Fiat table sur un chiffre d'affaires de l'ordre de 50 milliards d'euros sur l'année et un résultat d'exploitation entre 1,1 et 1,2 milliard. Le constructeur a également souligné dernièrement qu'il disposait de liquidités « largement » suffisantes pour mener à bien la « phase de transition » entre 2010 et un retour à une situation normale après la crise en 2011, malgré la dégringolade prévue du marché automobile italien après la suppression de la prime à la casse. Chrysler est bien parti pour parvenir au point mort au niveau de l'exploitation cette année, avait par ailleurs assuré fin mars l'administrateur délégué de Fiat .Alliance périlleuseToutes ces belles projections soulèvent toutefois le scepticisme de bien des observateurs. Fiat reste prisonnier du seul succès de ses petits modèles, alors même que la plupart de ses nouveaux modèles ont été reportés d'un ou deux ans faute d'argent frais. Mal en point, Chrysler est de son côté le seul constructeur américain à ne pas profiter de la reprise du marché outre-Atlantique à cause d'une gamme peu attractive et sans vraie nouveauté en 2010. Le prochain lancement de la petite 500 en Amérique du nord risque par ailleurs d'être anecdotique, vu la taille réduite de l'engin. Quant au mixage prévu des gammes italiennes et américaines, il sera ardu tant les modèles sont disparates. Les modèles Chrysler serviront difficilement de haut de gamme pour l'italien en Europe à cause de leur taille démesurée et d'une piètre qualité. Malgré sa force de persuasion habituelle, il faudra beaucoup d'arguments à Sergio Marchionne pour convaincre.
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