« la solution aux défis afghans ne sera pas militaire, elle est politique »

général philippe morillon, chef de la mission d'observation de l'Union européenne en afghanistanLe président afghan, Hamid Karzai, a accepté hier que se tienne un second tour du scrutin présidentiel, comme l'a souhaité la Commission électorale indépendante d'Afghanistan, compte tenu des fraudes qui ont entaché le premier tour en août. La date prévue pour ce scrutin, qui devrait mettre fin à deux mois d'impasse politique, est le 7 novembre. Les deux candidats arrivés en tête en août s'affronteront : Hamid Karzai, dont le score est repassé sous le seuil de 50 % selon le nouveau décompte, et son ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah. À Washington, le porte-parole de la Maison-Blanche, Robert Gibbs, estime qu'il n'est pas certain que Barack Obama annonce sa nouvelle stratégie en Afghanistan avant le second tour.Un second tour va-t-il sortir l'Afghanistan de l'impasse ?Tout d'abord, je souligne que la tentation qui a pu traverser certains esprits de déclarer, au nom de la realpolitik, Hamid Karzai élu dès le premier tour, a heureusement été écartée. Mais il faut bien voir qu'un second tour sera coûteux, compliqué à organiser et posera des problèmes de sécurité. En plus, il y a le risque qu'on entre dans des problèmes de météo. J'espère, il faut, que ce deuxième tour ait bien lieu comme prévu en novembre, faute de quoi il faudrait attendre le printemps. Les bulletins de vote ont déjà été préparés.Vous plaidiez pour que les deux premiers candidats passent un accord. Est-ce toujours d'actualité ?Le second tour aurait pu être évité si Hamid Karzai et Abdullah Abdullah, qui ont émergé du scrutin en août, s'étaient mis d'accord pour former un gouvernement d'unité nationale. Je préconisais cette solution et j'aurais préféré qu'elle soit adoptée avant un second tour. Mais quel que soit le résultat du prochain scrutin, la question d'un gouvernement d'unité nationale restera posée. Les Afghans et la communauté internationale savent qu'ils doivent faire face à un risque grave : les talibans, le terrorisme. La réconciliation nationale, c'est un objectif qui a été souhaité par les candidats à la présidentielle dès le premier tour et par le peuple afghan, qui est saturé de violence. L'objectif reste bien celui-là. Il n'est jamais trop tard pour bien faire.Combien de temps peut durer cette phase de transition politique ?Le calendrier prévu initialement est dépassé depuis longtemps. En principe, Hamid Karzai aurait dû quitter la présidence en avril. Mais la Cour suprême afghane a prolongé le mandat du président.La menace des extrémistes ne prend-elle pas une dimension inquiétante ?Je suis prudemment optimiste. En fait, on surestime les capacités des talibans. Il faut se souvenir qu'ils avaient l'intention d'empêcher le premier tour de l'élection présidentielle. Ils ont commis 270 attaques à cette occasion. Malgré tout, ce premier tour a eu lieu et les électeurs afghans sont bien allés voter. De toute façon, la solution aux défis afghans ne sera pas militaire. Elle est politique. Elle passe aussi par le développement du pays, ce qui a été négligé jusqu'à présent. De ce point de vue, la priorité est l'agriculture. À présent, la communauté internationale est décidée à agir dans ce sens. Plus que jamais, il faut que nous mettions en place une véritable coopération avec les dirigeants afghans pour aller vers une afghanisation de la direction des affaires du pays.Propos recueillis par Laurent Chemineau
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.