le cognac, Ma première leçon d'économie

tueuxC'était en 1970. La France du président Pompidou se transformait peu à peu ; on croyait au progrès technique ; on soutenait le Marché commun et on vivait avec un pétrole bon marché. À Angoulême, l'École Saint-Paul s'employait à former des citoyens curieux. En classe de quatrième, Marc Dupuy d'Angeac, professeur d'histoire-géographie, régalait ses élèves d'anecdotes savoureuses. L'homme était le descendant d'une grande maison de Cognac, qui, avec le temps, avait périclité. Sa précédente fortune lui ayant donné le loisir de faire quelques tours du monde, il en faisait profiter ses élèves. On avait droit à la chasse aux fauves en Afrique en lieu et place du gisement de gaz de Lacq. La vie à bord du paquebot « France » remplaçait avantageusement les plissements du Jura.La petite histoire n'était pas oubliée. « Un jour, un fabricant de flacons de verre a demandé audience à mon grand-père pour lui proposer de vendre son Cognac en bouteille, nous confie notre professeur. À l'époque, les grandes maisons de Cognac expédiaient des fûts entiers et c'était le détaillant qui remplissait des flacons. La proposition n'a pas plu à mon grand-père qui a signifié son refus en répondant : ?Monsieur, je ne suis pas un épicier?. Le fabricant a pris congé et s'est rendu directement à la maison Hennessy pour y ébaucher le même arrangement. ?C'est une excellente idée, lui a-t-on répondu. Quand pouvons-nous commencer ?? » Plusieurs années plus tard, Hennessy est toujours présent, mais la maison Dupuy d'Angeac a disparu (le musée de Cognac est installé dans l'ancien hôtel de la famille). Technologie de rupture, nouveau packaging, incorporation de plus de valeur ajoutée dans le produit final, industrialisation d'un process, satisfaction des clients, cette histoire fut ma première leçon d'économie. Plus tard, une autre leçon serait également liée au Cognac, dans les écrits de Jacques Chardonne (« le Bonheur de Barbezieux ») : la part des anges, l'évaporation naturelle de l'alcool dans les fûts, a un coût. Et si on l'oublie, on finit par perdre de l'argent. Pour cette seule raison, un vieux cognac est un cognac cher. Et il faut aussi compter avec la rareté des eaux-de-vie et la magie de l'assemblage.Pour s'initier, on peut découvrir le XO de Hennessy, le révolutionnaire de 1865 (150 euros chez les bons cavistes). On peut aussi s'intéresser à deux coups de maître. Le cognac Delamain millésimé 1979, merveille de longueur en bouche et d'arôme de sous-bois avec une bonne présence du fruit (250 euros, 650 bouteilles produites). L'autre coup de maître est dû à la maison Frapin, qui a renouvelé son idée d'assembler trois cognacs millésimés (1979, 1983, 1985). Petite précision : on appelle Paradis l'endroit où sont conservées les plus vieilles eaux-de-vie. Avec Frapin, on y va directement, sans escale (150 euros, 1.270 bouteilles produites). n
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