Réforme bancaire : le projet de loi français serait-il le pire de tous ?

Les oreilles de Pierre Moscovici ont dû siffler. Concocté par le ministre des Finances, le projet de loi sur la réforme du secteur bancaire a essuyé un tir à boulets rouges, ce lundi matin. Le projet de loi français, qui doit être débattu à l\'Assemblée nationale courant janvier, «cumule les faiblesses de tous les projets de loi existants (à l\'étranger), sans hériter d\'aucune de leurs vertus», a asséné Gaël Giraud, ancien jésuite, chercheur au CNRS, à l\'Ecole d\'Economie de Paris et membre du laboratoire d\'excellence sur la régulation financière.Ce dernier organisait une conférence de presse à la Sorbonne, intitulée «Le projet de loi de séparation bancaire Moscovici sépare-t-il vraiment (les activités de détail des banques de leurs activités de marchés)?» Une question qui n\'en était pas une, Gaël Giraud jugeant le projet français tout-à-fait insuffisant pour éviter la répétition d\'une crise financière comme celle de 2008.Pour mémoire, ce projet de loi impose aux banques françaises de cantonner leurs activités spéculatives dans une filiale ad hoc, laquelle doit en grande partie se financer par ses propres moyens. L\'objectif: protéger les dépôts des épargnants des risques pris par les banques dans le cadre de leurs activités de marché. Le texte entend par ailleurs interdire les activités les plus spéculatives, comme la spéculation sur les produits agricoles et le trading haute fréquence (THF, ordres boursiers passés en rafale par des machines).Les prêts aux hedge funds non interdits«A l\'instar de l\'option Volcker [le projet de loi américain sur la réforme du secteur bancaire; Ndlr], le projet de loi français est ambigu sur la définition des activités de marché cantonnées», grince Gaël Giraud. Ainsi, le projet de loi prévoit de cantonner «toute opération impliquant des risques de contreparties non garantis, vis-à-vis des hedge funds (fonds spéculatifs)». Le hic, c\'est que les crédits accordés par les banques aux hedge funds sont toujours montés avec des garanties... Résultat, «ces dispositions du projet de loi permettront aux banques françaises de continuer à utiliser les dépôts de la clientèle pour financer des prêts aux hedge funds!», s\'indigne Thierry Philipponnat, secrétaire général de l\'ONG Finance Watch.Le risque systémique perdureAutre faiblesse partagée par le projet de loi français avec, cette fois, ses pendants britannique et européen, les rapports Vickers et Liikanen: « Il ne scinde pas financièrement les entités bancaires et laisse entier le problème de leur solidarité de destin, en cas de faillite », explose Gaël Giraud. Contrairement au Glass Steagall Act américain de 1933, le projet français de réforme bancaire ne coupe pas juridiquement les banques en deux, avec d\'un côté les activités de détail et, de l\'autre les activités de marchés. Il les garde toutes deux au sein d\'un même holding.Or «la faillite d\'une filiale «marchés» peut fort bien entraîner celle du groupe tout entier», se désole Gaël Giraud. Qui estime donc que le projet français ne permettra pas de limiter le risque systémique -c\'est-à-dire de contagion- que les grandes banques font planer sur l\'ensemble de leur secteur et, partant, sur l\'économie. Avant lui, l\'ancien ministre Michel Rocard, le prix Nobel d\'économie Joseph Stiglitz, mais également des banquiers comme Jean Peyrelevade, ex-patron du Crédit Lyonnais, avaient plaidé pour une séparation pure et simple des activités de détail de celles de marchés.Un projet trop peu ambitieux«Le projet de loi ne prétend pas résoudre l\'hypertrophie de la finance mondiale généralisée!», s\'insurge Thomas Philippon, conseiller économique de Pierre Moscovici. «La France sera précurseur, nous serons les premiers à faire appliquer un texte de loi sur la réforme bancaire, avant les Etats-Unis», plaide Hervé de Villeroché, directeur adjoint du Trésor. «C\'est vrai, le projet est précurseur», reconnaît Olivier Berruyer, actuaire et créateur du blog Les-crises.fr. «Mais il ne va pas changer grand-chose! Il devrait par exemple amener BNP Paribas à cantonner 0,5% à 1% seulement de ses activités! C\'est ce que vous appelez un projet ambitieux?» Ambitieux, peut-être pas, polémique, c\'est certain. 
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