Les industriels rétifs à la politique anti-obésité de l'État

Manger cinq fruits et légumes par jour », ça vous dit quelque chose ? C'était l'un des mantras du premier programme national nutrition santé (PNNS), qui courait de 2001 à 2005. En pleine flambée de l'obésité, le but était alors d'informer la population sur l'utilité de mieux se nourrir. Le PNNS II, couvrant la période 2006-2010, a voulu aller plus loin en faisant baisser les quantités de sel, sucre et graisse des produits des grands fabricants. Le gouvernement leur a proposé de signer, dès 2007, des « chartes d'engagement ». Las. Au bout de trois ans, seules 15 chartes ont été signées et 30 entreprises se sont portées volontaires. « Beaucoup se découragent et d'autres préfèrent jouer cavalier seul », regrette Serge Hercberg, directeur de recherche à l'Inserm et ancien directeur de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES). La plupart des grandes entreprises ont mis du temps avant de postuler, ne voulant pas passer sous les fourches caudines de l'État pour prouver leur engagement en matière de nutrition. « Nous avions commencé à améliorer nos produits bien avant », explique Brigitte Laurent, directrice nutrition chez Nestlé, qui vient finalement de signer trois chartes pour ses marques Maggi, Herta et Davigel.jury de 26 expertsSurtout, les conditions requises pour signer ces chartes sont drastiques. Au moins deux tiers des volumes ou des ventes de la marque doivent être concernés par les améliorations nutritionnelles. Un jury de 26 experts indépendants veille à ce que les avancées soient significatives et continues dans le temps. « Nous sommes très exigeants pour ne pas brader les chartes », reconnaît Michel Chauliac, le responsable du PNNS au ministère de la Santé. Une sévérité qui crédibilise d'autant les signataires. Parmi eux, St-Hubert, Casino, Orangina ou encore Taillefine et Findus. Tous ont beaucoup investi. « Nous avons étoffé notre recherche et développement, multiplié les tests consommateurs et changé tous les packaging », détaille Thomas Gauthier-Lafaye, porte-parole d'Orangina. Hélas, il est ensuite très difficile pour ces industriels de communiquer sur l'agrément du PNNS. Seule une phrase officielle un peu longue est autorisée, mais pas de logo simple à comprendre pour le consommateur. « Le gouvernement ne veut pas cautionner un hamburger McDo, qui, même s'il est amélioré, n'en devient pas un ?bon? produit », résume une experte qui préfère garder l'anonymat. Du coup, les fabricants se rattrapent avec de la communication institutionnelle dans les journaux ou utilisent ces chartes comme un argument auprès de la distribution. Certaines en font même un projet interne de motivation des troupes. « Cela apporte de la fierté à nos 190 collaborateurs et nous donne une longueur d'avance en matière d'innovation », explique le patron des margarines St-Hubert, Patrick Cahusac. Mais la plupart des industriels se plaignent de critères trop drastiques. Il faudrait que les jurés accordent plus d'importance aux engagements dits complémentaires, comme la formation des salariés en interne ou la promotion du sport, car les produits eux-mêmes ne peuvent pas être sans cesse améliorés », explique Brigitte Laurent. Ce n'est pas Danone ou Ferrero qui la contrediront. Malgré tous leurs efforts pour la promotion d'une meilleure nutrition, difficile pour eux de toucher aux recettes de la Danette ou du Nutella. Ils passeront donc leur tour pour le bon point gouvernemental.
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