Tour d'Europe des systèmes bancaires (1/10) : L'Allemagne, dernière de la classe

La fédération des banques allemandes a demandé le 25 juillet 2012 a la Commission européenne de reporter l\'entrée en vigueur de la CRD IV du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2014. Cette demande n\'est pas une surprise. Les banques allemandes accusent un retard important et devront mettre a profit l\'année 2013 pour atteindre le minimum de fonds propres requis par la nouvelle règlementation.Une fois n\'est pas coutume : l\'Allemagne fait office de mauvais élève s\'agissant de son système bancaire. Essayons de comprendre quelles en sont les raisons.Trois piliers : un secteur privé, un secteur public et un secteur dit « coopératif »Le système bancaire allemand présente des caractéristiques qui le rendent unique en Europe. Il est organisé autour de trois piliers : un secteur privé, un secteur public et un secteur dit « coopératif ». Le secteur privé représente environ 36% du marché et est constitué de trois grands établissements qui ont un profil de banques universelles : banque de détail, banque d\'investissement et gestion de portefeuille. Les deux banques emblématiques du pays sont la Deutsche Bank et la Commerzbank, qui, pendant la crise, a dû être renflouée par l\'Etat à hauteur de 17 milliards d\'euros environ. Le secteur public, environ 31% du marché , comprend les caisses d\'épargne (« Sparkassen »), généralement détenues par des municipalités ou des régions qui ont une activité de financement du tissu économique local, très orientée vers la banque de détail. Les fameuses « Landesbanken » étaient historiquement conçues comme des banques centrales des Sparkassen mais ont peu développé des activités de banques d\'investissement, tournées vers l\'international. Ces banques publiques bénéficiaient d\'une garantie de la part des Länder allemands, mais sous la pression de la Commission européenne, ces garanties ont été abandonnées en 2005 - même si elles produisent encore des effets pendant la longue période de transition. Enfin, le secteur coopératif est constitué d\'une myriade de petits établissements locaux, propriétés de leurs membres et qui ont mis en place des systèmes de garanties mutuelles. 50% de leur activité se fait au profit de leurs membres.Forte concurrence, faibles margesLa coexistence de ces trois piliers conduit à un pays très bancarisé (le quart des banques de l\'UE sont allemandes, il y a une banque pour 42.000 habitants contre une moyenne européenne de 60.000), très peu concentré (les cinq plus grosses banques ne représentent que 25% des actifs, le chiffre le plus bas de l\'Union) et essentiellement domestique (90% des établissements bancaires en Allemagne sont des entités allemandes). La concurrence de ces banques publiques ou coopératives, qui prêtent souvent à des conditions très agressives, pas toujours économiquement rationnelles, a dégradé la profitabilité du marché domestique allemand et a contraint les banques privées, mais aussi certaines Landesbanken, à se tourner vers d\'autres activités, pas toujours à bon escient.Des renflouements massifsLa crise a donc frappé l\'Allemagne très durement. La plupart des Landesbanken ont dû solliciter un plan d\'aide d\'Etat massif, tout comme Hypo Real Estate et Commerzbank. Selon les derniers chiffres d\'Eurostat, le déficit net cumulé pour les finances publiques allemandes s\'établit à plus de 40 milliards d\'euros et les engagements (dettes et garanties) à plus de 370 milliards d\'euros, un record en Europe.L\'efficacité des \"Stillegeselschaft\" en question Les banques allemandes sont aujourd\'hui bien capitalisées. Toutefois, une part importante de ce capital, notamment pour les banques publiques, prend la forme de titres très particuliers - les Stillegeselschaft - dont l\'efficacité est discutée par les régulateurs internationaux. Le passage à Bâle III et le traitement réservé à ces titres est donc un enjeu crucial pour l\'industrie allemande.Un tournant historiquePour toutes ces raisons, la rentabilité du capital est très en deçà de la moyenne européenne : le FMI l\'estime, en 2015, à 2,5% pour les banques coopératives, à 5% pour les Sparkassen et à 7% pour les grandes banques, malgré une bonne qualité de leurs portefeuilles de prêts. Est en cause notamment le fait que de nombreuses banques allemandes ont longtemps prêté à des taux inférieurs aux taux de marché, en refinançant des expositions longues sur des maturités courtes, un business model qui a volé en éclat pendant la crise.Les banques allemandes sont donc à un tournant historique. La crise a révélé les défaillances d\'un système dans lequel le secteur privé ne représentait qu\'un tiers du marché et dont la gouvernance n\'était pas optimale. La réforme Bâle III va rendre certaines activités non viables et va contraindre de nombreux établissements à se réinventer ou à se regrouper. Cela se fera certainement discrètement et sans heurts, l\'Etat fédéral ayant toujours répondu présent lorsqu\'il a fallu soutenir ses banques.
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