Laurent Seksik  : « Et Zweig a surgi »

Oubliez les noms les plus célèbres des lettres françaises. S'il ne fallait retenir qu'un ouvrage cette saison, ce serait celui de Laurent Seksik, « les Derniers Jours de Stefan Zweig ». Une oeuvre magnifique consacrée aux derniers mois que l'auteur de « la Pitié dangereuse » a passés au Brésil avant de se donner la mort. Le portrait juste et captivant d'un homme en survie depuis que son monde s'est écroulé. Seksik nous en dit plus. Quels sont vos premiers souvenirs de lecture de Zweig ?Il m'habite depuis qu'une jeune femme m'a offert « le Monde d'hier » il y a vingt-cinq ans. La langue de Zweig est d'une modernité absolue parce qu'il n'a pas cédé à la mode de l'époque. Il n'y a là ni le pathos expressionniste allemand ni l'esthétique narcissique en vogue dans ces années-là. Mais une simplicité du verbe associée à une poésie. Mon rapport à la littérature a été totalement bouleversé par cette lecture. J'ai d'ailleurs situé mon premier roman (« les Mauvaises Pensées », Pocket) dans la Vienne de la Mitteleuropa. Qu'est-ce qui vous a donné l'idée de raconter les derniers jours de Zweig ?J'étais parti sur mon quatrième roman ? l'histoire d'un gamin de Phoenix (Arizona) ? justement pour m'échapper de la Mitteleuropa. Et Zweig a surgi. Tout d'un coup, je l'ai vu entrer dans sa maison au Brésil. Ensuite, je n'ai plus eu qu'à le regarder vivre. Comment avez-vous travaillé ?Zweig n'a jamais écrit sur ses derniers jours. Mais il a laissé des centaines de lettres qui sont la matière de mon roman. J'ai ressenti une véritable jubilation à écrire ce texte, doublée d'un travail titanesque de recherche. Ma formation de médecin me pousse à faire un gros travail de précision. J'ai passé des jours à chercher le nom exact de la secrétaire que remplace Lotte, sa seconde épouse. Mais, à aucun moment, je ne fais parler Zweig. Cela aurait été indécent. Vous avez également publié une biographie d'Einstein (Folio Gallimard). Que recherchez-vous à travers ce genre ?Toucher au plus intime. J'essaye d'accéder à la vérité de l'être plus que de dresser le procès-verbal d'une vie. J'ai besoin d'être en proximité, en empathie avec mes sujets. De les admirer. Ce qui me permet d'écrire sur des gens très différents. Einstein est aussi solaire que Zweig est crépusculaire. Les biographies de ce dernier sont un modèle pour moi. Elles sont peut-être truffées d'erreurs. Romain Rolland voyait même dans son « Stendhal » une auto-confession. Mais ces documents historiques sont d'abord des portraits pleins d'humanité. Propos recueillispar Yasmine Youssi « Les Derniers Jours de Stefan Zweig », Flammarion, 250 pages, 17 euros. J'essaye d'accéder à la vérité de l'être plus que de dresser le procès-verbal d'une vie.
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