Faut-il brûler le sorcier Messier ?

Qualifié de « prestidigitateur de dette », l'ancien dirigeant de Vivendi Universal, Jean-Marie Messier, semble avoir été condamné plus pour ses choix de gestion qu'en raison d'une véritable mauvaise foi dans sa communication financière. Le jugement rendu le 23 janvier dernier élabore une qualification de la diffusion de fausse information sans précédent, y compris dans la jurisprudence américaine pourtant bien plus prolifique que la jurisprudence française en la matière.L'article L.465-2 du Code monétaire et financier définit le délit de diffusion de fausse information comme « le fait (...) de répandre dans le public par des voies et moyens quelconques des informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d'un émetteur (...) ». La définition est large mais, en matière pénale, l'interprétation doit être stricte.On comprend du jugement du tribunal correctionnel que l'information diffusée n'était pas fausse en tant que telle, mais qu'elle aurait dû être démentie un peu plus tard, lorsqu'elle ne correspondait plus vraiment aux projets poursuivis par les dirigeants, ce que ces derniers n'ont pas fait. Il s'agissait de l'annonce d'une intention d'annulation d'actions d'autocontrôle qui ont été finalement cédées dans le cadre d'un reclassement.Le tribunal correctionnel oppose donc à la diffusion d'une information parfaitement valable lorsqu'elle a été faite, l'absence d'un démenti, ultérieurement, dès lors l'information diffusée préalablement au marché était devenue moins pertinente. C'est une sorte d'omission qui est condamnée par les juges et non la diffusion d'une information proprement dite. On est donc loin de la lettre de la loi qui condamne un acte de diffusion d'information, non pas la rétention d'une information.Les juges ont également confronté quelques déclarations évolutives, voire approximatives, de l'ancien dirigeant, pour souligner leur manque de cohérence ou, à tout le moins, la difficulté pour l'investisseur d'en tirer une conclusion claire. L'information ne doit pas, selon les termes du jugement, « utiliser des indicateurs techniques dont le sens est volontairement détourné pour leur faire dire le contraire de la situation réelle, et conclure sur une marge de manoeuvre que l'entreprise ne permet pas ».La démonstration de la volonté de tromperie du marché s'apparente néanmoins un peu au procès en sorcellerie. La rigueur juridique nécessaire pour établir le caractère faux et trompeur d'une information financière ne peut se limiter à souligner l'emphase de quelques déclarations publiques. Le marché, qui est la collectivité des investisseurs du plus avisé au plus profane, ne peut pas être considéré comme une population en position de faiblesse, perdue dans le maquis luxuriant d'une communication financière visant à cacher la misère.On pourrait certes concevoir que la fausse information est celle qu'un enfant n'est pas capable de comprendre. Mais alors, à quoi servent la presse financière et les analystes financiers ? Ne vaudrait-il pas mieux interdire le boursicotage si les épargnants investisseurs peuvent se faire gruger par une communication financière si facilement trompeuse ?Le juge pénal n'est pas le régulateur de l'information financière. Son rôle est de réprimer les fraudeurs. Il est certes moralement difficilement acceptable de penser que Jean-Marie Messier n'a pas cherché à tromper le marché par sa communication financière, mais il ne faut pas confondre la flamboyance à la limite de l'arrogance d'une communication à la « belle époque » de la bulle Internet, qui fustigeait notamment la ringardise de l'exception française, avec un comportement frauduleux.
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