Le retour au bercail des électeurs frontistes

Le lundi 11 juin 2007, au lendemain du premier tour des élections législatives, la messe était dite. Avec 4,29 % des suffrages, le Front National, dirigé par un Jean-Marie Le Pen vieillissant n'était plus que l'ombre de lui-même. Au point qu'un quotidien du soir titrait « FN, fin ». « On peut dresser sans attendre, avec la force de la chose votée, l'acte de décès de l'extrême droite », écrivait l'auteur de l'article. Quatre années plus tard, telle l'hydre de la mythologie grecque, la formation de l'extrême droite a refait surface : non seulement elle n'a pas disparu du paysage politique français, mais son score au premier tour des cantonales (15,18 %, à seulement deux points derrière l'UMP) place Marine Le Pen, 42 ans, au coeur des jeux politiques pendant encore de nombreuses années. Et signe l'échec de la stratégie initiée en 2002 par Nicolas Sarkozy pour happer les électeurs frontistes. Une stratégie qui s'était révélée payante jusqu'en 2007, mais qui, une fois le candidat installé à l'Élysée, s'est très vite retournée contre lui. Pour comprendre ce revers de fortune, il faut revenir à la campagne présidentielle du candidat de l'UMP. Issu du parti majoritaire, au pouvoir depuis 2002, Nicolas Sarkozy parvient à se démarquer de Jacques Chirac en jouant la carte de la rupture. « En cassant les codes, en se présentant comme le candidat du pouvoir d'achat, en s'adressant à la France qui se lève tôt, il a fini par convaincre les catégories des classes moyennes et inférieures », explique Jean-Yves Camus, chercheur associé à l'Iris (Institut de relations internationales et stratégiques). Parallèlement, le ministre de l'Intérieur de l'époque muscle son discours sur l'immigration et la sécurité. « L'addition du thème social et de la question sécuritaire lui a permis de siphonner le vote Le Pen », analyse Renaud Dely, auteur d'une « histoire secrète du Front national » (1999, Grasset).Le 22 avril 2007, c'est le jackpot électoral, un quart des électeurs ayant voté Jean-Marie Le Pen en 2002 se tournent vers Nicolas Sarkozy, grand vainqueur de ce premier tour présidentiel avec 31 % des suffrages. Le dimanche 10 juin, lors du premier tour des législatives, la gifle pour le parti extrémiste est encore plus sévère, celui-ci récoltant seulement 1,2 million de voix au premier tour, soit 2,6 millions de voix de moins que six semaines plus tôt. On croit le FN moribond : il entame sa renaissance, aidé par deux facteurs puissants. Tout d'abord, l'effet déception Sarkozy, à la mesure de la séduction opérée par le candidat pendant la campagne. Car contrairement à ses promesses, Nicolas Sarkozy n'est pas parvenu à restaurer la puissance de l'État. « Sa popularité a très vite chuté auprès des sympathisants du Front national, avec, au coeur du divorce, la question sociale, beaucoup plus marquée dans cet électorat que dans le reste de l'opinion », juge Frédéric Dabi, de l'Ifop. Moins de deux ans après la crise, le rebond des profits des entreprises et des bonus des banques, le retour en grâce du capitalisme financier, le pouvoir d'achat en berne et l'exacerbation des craintes à l'égard d'une mondialisation non maîtrisée, achèvent le processus. Et expliquent l'inversion du siphonnage opéré en 2007 par le candidat de l'UMP auprès de l'électorat frontiste. Un « retour au bercail » d'autant plus rapide que le FN a bénéficié, entre temps, d'un deuxième effet dopant : l'arrivée à sa tête de Marine Le Pen. Moins provocante que son père, la nouvelle chef de file du Front National adopte un style plus moderne, sans changer d'un iota le programme du parti. « Elle n'hésite pas à s'emparer du thème de l'injustice sociale, à adopter un ton compassionnel, suscitant l'attrait des électeurs », relève Frédéric Dabi. C'est elle qui incarne la nouveauté politique, marquant des points dans l'électorat populaire. Autant dire que, pour l'UMP, qui avait cru être débarrassée du Front national, tout reste à faire...L'analyse
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