Autorités administratives : quel contrôle ?

Après une passe d'armes aussi rapide qu'intense avec la Commission européenne, la France vient de décider d'abandonner sa décision d'imposer à l'Arcep la présence d'un commissaire du gouvernement. Bien évidemment, l'abandon de cette mesure est opportune tant, au contraire, d'un point de vue symbolique, elle pouvait apparaître comme le signe d'un retour arrière. Le desserrement de l'emprise réglementaire du gouvernement sur la régulation du secteur des télécommunications est en effet un phénomène récent. Il remonte à la loi de juillet 2004 où l'État a abandonné tout pouvoir en matière d'homologation des tarifs de détails. D'un point de vue pratique, la qualité des membres des autorités de régulation leur aurait sans doute permis de neutraliser les éventuelles tentatives pernicieuses de l'État actionnaire au bénéfice de ses participations. Si cette volonté d'influencer et donc de contrôler à la source la réglementation au stade de son application révélait ainsi un véritable retard conceptuel français, la fin de ce débat risque surtout d'occulter la question fondamentale de la place du juge et de ses moyens dans le contrôle de l'activité de toutes les autorités administratives indépendantes. Car si la régulation des télécoms nécessite un contrôle, ce n'est pas de la part d'un exécutif interventionniste. Il revient aux juges qui doivent être assez nombreux et équipés pour être en situation de vérifier que les règles, et notamment celles édictées par l'Union européenne, sont bien appliquées. Là serait le progrès et là est l'enjeu. Or, force est de constater que, au moment où l'on envisageait de créer ce poste inutile, la chambre de la régulation, qui, au sein de la cour d'appel de Paris, entend précisément une large partie des recours contre certaines des décisions de l'Arcep, mais aussi de la CRE, de l'Autorité de la concurrence, de l'AMF... et du contentieux Douanier, n'est toujours composée que de deux magistrats (dont le président vient d'être appelé à la Cour de cassation) et d'un greffier, sans budget propre. Deux magistrats seuls et sans moyens matériels face aux plus grands acteurs économiques sur des questions de la plus grande complexité économique et juridique ne peuvent, quelles que soient leur bonne volonté et leurs qualités intellectuelles, garantir la qualité juridique de la régulation française et donc son effectivité. Il faut savoir que, par exemple, l'équivalent au Royaume-Uni de la chambre de la régulation, le Competition Appeal Tribunal, est lui composé de dix-sept juges et doté d'un budget annuel de 3,5 millions de livres. Madame Kroes, commissaire en charge de la société de l'information, aurait été ainsi mieux venue de s'interroger sur les conditions réelles dans lesquelles le contrôle de l'application de la réglementation des télécommunication est en France assuré plutôt que de monter au créneau sur cette mesure symbolique et... qui aurait sans doute été sans effet. Mais n'est-ce pas, en réalité, trop demander à l'administration européenne ? Elle qui est soumise au joug effectif d'un juge communautaire de qualité ne souhaite peut-être pas que tous ses équivalents nationaux connaissent le même sort. Mais si telle est la véritable raison, elle est fondamentalement erronée... car l'énorme progrès que représente une régulation moderne n'est pas dans la substitution à une approche politique d'une approche bureaucratique mais dans la soumission de ces deux dernières au contrôle d'un juge indépendant qui dit le droit.
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