« Américanement » incorrecte, la chronique de la mort du billet vert

Ce n'est pas l'euro qui va mourir, c'est le dollar. » Devenue la journaliste la plus redoutée des milieux financiers, depuis son best-seller « UBS, les dessous d'un scandale », Myret Zaki n'y va pas par quatre chemins. Avec son nouveau livre sur « la Fin du dollar », elle adresse aux autorités de Washington un avertissement aussi cinglant que le récent changement de perspective de l'agence de notation Standard and Poor's sur la note AAA de la dette des États-Unis. Car la rédactrice en chef adjointe du magazine économique « Bilan » ne cache pas ses intentions : « briser le tabou » qui protège le dollar, une monnaie qu'elle qualifie de « plus grande bulle spéculative de l'histoire ».Pour elle, l'économie américaine n'est plus qu'une « vaste illusion » : pour produire 14.000 milliards de revenu national, les États-Unis ont généré 50.000 milliards de dollars de dette publique et privée (200.000 milliards avec le hors-bilan caché, notamment les engagements de retraite), ce qui lui coûte globalement au pays 4.000 milliards d'intérêts par an. Une situation « intenable », d'autant que la journaliste d'origine égyptienne pointe que, avec les révolutions arabes, le régime des pétrodollars, maintenu d'une main de fer depuis quarante ans, est, lui aussi, au bord de l'effondrement. Dans ce procès à charge, ce qui surprend, ce ne sont pas les arguments, connus de tous les économistes, mais la façon dont l'auteur arrive à les mettre en scène. Elle souligne d'abord que dans son enquête, elle s'est heurtée à une forme de déni de réalité collectif, typique selon elle des sommets de bulles spéculatives. Les mêmes, qui balaient d'un revers de la main la fin du billet vert, assuraient en 2006 qu'il n'y avait aucun problème avec la titrisation des crédits subprimes !Reste un fait : depuis 1913, le dollar a perdu 97 % de sa valeur. Encore aujourd'hui, alors que l'attention des marchés se focalise sur le risque d'implosion de la zone euro, il continue de perdre du terrain, signe que les investisseurs ne sont pas dupes des conséquences qu'aura la montagne de monnaie émise par la Fed pour éponger la crise financière. À l'appui de sa thèse, Myret Zaki rappelle que les États-Unis sont plus endettés que l'Europe (100 % du PIB contre 92 %, en 2011). Selon elle, la dette de la Californie, mais aussi celle de nombreux grands États américains, est plus grave que le problème de la Grèce, qui ne pèse que 2 % du PIB de la zone euro. Elle souligne d'ailleurs qu'un krach des obligations municipales figure parmi les scénarios possibles de l'écroulement du château de cartes.N'hésitant pas à parler de guerre monétaire, elle qualifie le discrédit permanent de l'euro (« une monnaie ingouvernable, une construction technocratique »), de complot anglo-saxon visant à détourner l'attention du véritable problème, celui du dollar. Aucune preuve évidemment, mais des indices, comme l'attaque contre l'euro via la vente de CDS (contrats d'assurance contre la faillite d'un émetteur) sur la dette grecque, il y a un peu plus d'un an. On pourrait en faire tout un roman, mais l'essentiel est ailleurs, dans la course de vitesse que jouent les États-Unis avec les marchés. Avec des conséquences graves : les comptes de la Fed sont truqués, affirme Myret Zaki, et son bilan est si détérioré que son salut dépend maintenant d'un sauvetage du Trésor. Bref, la monnaie américaine repose sur un schéma de Ponzi à la Madoff, en pire, qui gonfle artificiellement la valeur des obligations du Trésor (9.000 milliards de dollars d'encours, dont la moitié à l'étranger). Mais les temps changent : la Fed est devenue le premier détenteur de dette américaine devant la Chine. Alors que faire ? « Les États-Unis sont-ils ?too big too fail? ? » Pour Myret Zaki, l'histoire a montré qu'aucun empire n'était jamais trop gros pour faire faillite et que sa chute accompagnait l'abandon des disciplines monétaire et fiscale. L'euro, qui gagne en force par les épreuves, les monnaies des pays émergents, notamment le « billet rouge », celui de la Chine, vont forcer à mettre en place un nouvel ordre monétaire mondial, fondé sur l'or, ou sur un panier de devises. Reste, n'en déplaise à l'auteur, une solution, celui que les États-Unis se ressaisissent, à la façon d'un Churchill qui disait en 1940 : « Ne pariez pas contre nous, car nous allons revenir... »Philippe Mabille
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