« Le prix actuel du pétrole est un désastre pour le transport aérien »

STRONG>Après les bénéfices record dégagés par les compagnies en 2010, comment voyez-vous 2011 ?Cette année sera très difficile en raison de l'envolée du prix du baril qui est passé de 79,4 dollars en moyenne l'an dernier à 100-105 dollars aujourd'hui. C'est un désastre. Nous tablions, en début d'année, sur un prix moyen du baril de 96 dollars, mais ces prévisions étaient trop optimistes. Dans une économie aussi fragile que celle d'aujourd'hui, il est impossible de faire passer des surcharges carburant aux passagers. Mais cette décision appartient à chaque compagnie.Quel est l'impact de la catastrophe du Japon.Il est énorme. Le Japon est l'un des marchés les plus importants du monde. Il représente 6 % du trafic mondial et 10 % du chiffre d'affaires.La croissance de la zone Asie-Pacifique peut-elle ralentir ?Cette région souffre actuellement mais sa croissance va continuer. L'Asie-Pacifique représente 26 % du trafic mondial, à peine plus que l'Amérique du Nord. Mais dans trois ans, l'écart va se creuser. L'Asie-Pacifique devrait représenter 30 % du trafic mondial, contre 23 % pour l'Amérique du Nord. Le centre de gravité du transport aérien se déplace vers l'Asie en raison de la croissance de son économie (les prévisions tablent sur 9 % en Chine et en Inde en 2011) mais aussi parce que les gouvernements sont soucieux de prendre les mesures nécessaires pour développer ce secteur. La Chine, par exemple, a construit 45 nouveaux aéroports depuis 2006 et compte en ouvrir 52 de plus d'ici à 2020. Entre 2011 et 2016, la Chine va injecter 230 milliards de dollars pour cela. En Europe et aux États-Unis, la construction de nouvelles pistes de décollage ou de nouveaux projets aéroportuaires ont été extrêmement limités. C'est un problème alors que le trafic augmente de 5 % à 6 % par an.Comment voyez l'avenir du transport aérien européen ?L'Europe constitue de loin le plus gros problème pour le secteur. La croissance économique y est faible, autour de 1,7 %, et le transport aérien n'est hélas pas une priorité pour les gouvernements en Europe. On l'a constaté l'an dernier pendant la crise du volcan islandais. Il n'y a eu aucun consensus entre les gouvernements. Seules les taxes sur les compagnies et les passagers semblent les intéresser. Au Royaume-Uni, les taxes sur les passagers ont représenté 2,5 milliards de livres. En 2010, l'Allemagne a ajouté une nouvelle taxe sur l'aérien, qui coûte 1 milliard d'euros. Et pendant que les taxes pleuvent, les mesures structurelles qui, en termes d'infrastructures, permettraient aux compagnies d'être compétitives dans un environnement concurrentiel ne sont pas prises. Par exemple, le ciel unique que l'on promettait dans les années 1990, n'est toujours qu'un rêve.Les compagnies n'ont-elles rien à se reprocher ?Les compagnies ont pris leurs responsabilités. Elles n'ont pas hésité à fusionner, comme Air France et KLM, alors même que le schéma comportait des risques sur le maintien des droits de trafic. Mais cela ne sert à rien de fixer une limite en termes de participation étrangère dans le capital pour bloquer les fusions intercontinentales.Quelles sont les perspectives globales du secteur ?Quand je vois la situation en Europe, je suis pessimiste. En revanche, je suis très optimiste quand je regarde l'évolution de l'Asie-Pacifique, et l'implication des États pour créer des conditions favorables afin d'accompagner la croissance du trafic. Ces pays n'hésiteront pas à faire évoluer leurs réglementations pour cela. D'ici à 2015, l'Asean (10 pays d'Asie du Sud-Est, Ndlr) sera un marché complètement ouvert pour tous les pays, y compris ceux qui ne sont pas membres de l'Asean.Comment expliquez-vous le poids des low cost en Europe ?Les low-cost représentent plus de 39 % du marché intra-européen, contre 30 % aux États-Unis. C'est en Europe que leur poids est le plus important. Le fait que l'Europe possède le plus grand nombre d'aéroports, notamment secondaires, a créé les conditions de leur expansion. Désormais, le problème des low- cost est de maintenir leur rentabilité. Elles doivent donc croître désespérément pour y arriver. Au regard de la taille de leur réseau, ce n'est pas facile de trouver de nouvelles destinations. Aussi, les low-cost ont-elles amorcé un changement d'approche en commençant à intégrer des systèmes et des pratiques des compagnies de réseaux. D'ailleurs les deux modèles commencent à nouer des liens. Plusieurs partenariats ont été signés entre ces deux types de transporteurs.La montée en puissance de certaines low-cost sur les grands aéroports ne peut-elle pas leur permettre de se lancer dans les vols long-courriers ?Tous les cas précédents ont échoué. Aujourd'hui nous avons seulement un exemple, Air Asia X. Il faut des grandes compagnies pour faire cela. Mais peut-être que dans le futur, les low-cost parviendront en effet à construire des hubs.Quel est votre sentiment par rapport à l'introduction, en Europe seulement, d'un système d'échanges de quotas d'émissions pour le transport aérien en 2012 ?Ce système sera difficile à mettre en place. Les États-Unis y sont fortement opposés car ils le considèrent comme illégal. Il sera également difficile à l'Europe d'avoir des avis favorables de la Russie, de la Chine, de l'Australie ou du Japon... tous ces pays sont contre.Que demandez-vous ?Nous sommes prêts à accepter un tel système, à condition qu'il s'applique au niveau mondial, sous l'égide de l'Organisation de l'aviation civile internationale. Pourquoi, sur un vol Chicago-Bruxelles, une compagnie devrait-elle payer à Bruxelles le CO2 nécessaire pour l'ensemble du vol ?Quel conseil donnez-vous à votre successeur Tony Tyler, l'ancien patron de Cathay Pacific ? Continuer la transformation. Si ce secteur a survécu, c'est parce que nous avons quasiment tout changé. Mais si on relâche la bride, nous sommes morts. Souvenez-vous, en 2004, tout le monde s'inquiétait parce que le baril était à 34 dollars le baril. Personne ne pouvait imaginer qu'on pouvait survivre avec un baril à plus de 100 dollars.

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