Les risques de l'extension du domaine de la crise (européenne)

Les tigres asiatiques devraient se réjouir. À Singapour, le rebond de la production industrielle et l'ouverture récente du premier casino dans la Cité-État ont donné un coup de turbo à la croissance économique au premier trimestre, celle-ci affichant une progression de 16% par rapport à la même période de 2008, soit une performance largement supérieure à celle attendue par les autorités. À Taïwan, le boom des usines de puces et d'électronique a permis à l'île nationaliste de dépasser la Chine, avec une croissance de 13,3%. Des piles de containers du port de Kaoshiung (Taïwan) aux entrepôts de fret de l'aéroport de Changi à Singapour, les tigres asiatiques ont effacé en quelques mois les derniers signes de la récession, dopés par le réveil de la demande américaine ou chinoise. Scénario de « double dip »Pourtant, l'heure n'est guère à l'autosatisfaction, tant les soubresauts européens de la crise grecque menacent désormais de s'étendre à l'ensemble de la planète, et d'éteindre les feux à peine rallumés de la croissance économique. Les économistes sont unanimes : «La crise de la dette européenne affecte la confiance des investisseurs ». Certains, mais pas tous, n'hésitent pas à envisager un scénario de « double dip », une crise, suivie d'une reprise, suivie ensuite d'un nouveau et fort recul de l'activité économique. C'est ainsi le cas de Nouriel Roubini, professeur d'économie à New York University, qui prédit ce destin à l'Europe. Très dépendants du reste du monde pour leurs échanges commerciaux, les pays d'Asie se sentent les premiers concernés. « Les évolutions de ces dernières semaines tendent à montrer que les risques de baisse de l'activité se sont intensifiés », a ainsi noté le ministre du commerce de Singapour. Pourquoi ? Parce que « les évènements de 2008 sur les marchés financiers puis sur l'économie sont encore présents dans les esprits, explique Laurent Bilke, économiste chez Nomura, à Londres. N'importe quel choc, tel que celui subi par l'Europe actuellement, ravive l'aversion au risque, et ce, au niveau mondial, et en un temps record, de surcroît ». Repli sur les actifs les plus sûrsNerveux, les investisseurs se replient sur des actifs plus sûrs, à travers la planète. Les marchés financiers -- et la psychologie de masse des opérateurs -- sont donc les premiers responsables de la contagion que craignent les Asiatiques. C'est le principal facteur de transmission, mais pas le seul. Les évolutions, sur le marché des changes, avec le recul de l'euro par rapport au dollar et à d'autres devises, peuvent aussi provoquer des remous, en changeant la donne en matière de compétitivité des produits importés et exportés.Enfin, c'est bien sur l'activité réelle que la crise européenne peut avoir un impact. Là aussi, cependant, les effets sont à plus long terme, et plus dilués. Inquiétude de la ChineAinsi, la Chine est le premier partenaire commercial de la zone euro, qui a importé l'an dernier, sur un total de 1 300 milliards d'euros, quelque 158 milliards d'euros de marchandises « made in China », peut s'inquiéter d'une baisse de la demande européenne, sous le coup des plans d'austérité budgétaire. Mais de là à penser que l'Europe peut être l'épicentre d'un nouveau tremblement de terre qui ébranlerait toute l'économie mondiale, comme l'Amérique latine l'a été au début des années 1990, l'Asie à la fin de la même décennie, ou encore les États-Unis avec les subprimes, il y a un pas. Que l'économiste Laurent Bilke ne veut pas franchir. Une nouvelle odyssée en gestation ?Non pas parce que la Grèce, d'où le problème est parti, ne représente que 0,3% du PIB mondial, tandis que l'Asie (hors Japon) correspond à 23% de la richesse de la planète, les États-Unis à 20% et la zone euro dans son ensemble à 15%, mais parce que, contrairement à ce qui avait cours en 2008, « les politiques sont déjà en mode d'urgence », explique le spécialiste de chez Nomura. Autrement dit, les taux d'intérêt sont déjà bas et les ajustements, tel que l'éclatement des bulles immobilières, ont déjà eu lieu. Un nouvel épisode, sans aucun doute, une nouvelle odyssée, peut-être, mais pas forcément une nouvelle récession, est en gestation.
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