Grèce : quand l'Europe et le FMI restructurent la dette sans le dire

Ce mercredi matin, au terme de douze heures de négociations, les ministres des Finances de la zone euro, les représentants du Fonds monétaire international (FMI) et ceux de la Banque centrale européenne (BCE) n\'étaient toujours pas parvenus à se mettre d\'accord sur les conditions qui auraient permis le déblocage d\'une nouvelle tranche d\'aide à la Grèce. Ils ont dû se résoudre à prévoir une nouvelle réunion, la troisième du mois, lundi 26 novembre, afin d\'obtenir le consensus nécessaire au versement d\'une nouvelle tranche d\'aide à la Grèce. Les agences de presse évoquent un \"clash\" entre le FMI et l\'Europe. Le premier ministre grec, Antonis Samaras, a mis en garde les bailleurs de fonds du pays contre le risque d\'une déstabilisation de la zone euro. Contrairement à l\'Allemagne qui a fait état de la persistance de désaccords profonds sur le dossier grec, le président de l\'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, et le ministre des Finances, Pierre Moscovici, se sont montrés confiants à l\'issue de la réunion. \"Il n\'y a pas de désaccord politique majeur\", a affirmé le premier. Pour lui, \"Nous sommes près d\'un accord, mais des vérifications techniques doivent être menées, des calculs financiers doivent être effectués.\". Sur Europe 1, Pierre Moscovici, a appuyé ces propos : \"Nous sommes à un cheveu d\'un accord, je suis très confiant que nous y parviendrons lundi\". Moscovici : \"Il ne faut pas abuser sur les taxes\" par Europe1fr A coeur du désaccord entre l\'Europe et le FMI : l\'éternel problème de la soutenabilité de la dette grecque :Le FMI avait insisté dès le début des discussions sur la nécessité de tenir l\'objectif de 120 % de PIB en 2020. A un tel niveau à cet horizon là - niveau jugé acceptable par son conseil d\'administration dans le plan d\'origine - , la dette est considérée comme soutenable, condition invoquée par les bailleurs de fonds de la Grèce pour poursuivre les versements des différentes tranches d\'aide. Or, selon un document de travail cité par Reuters, la réalisation du programme grec en l\'état porterait l\'endettement à 144 % en 2020, 133 % en 2022 et 111 % en 2030. \"La position du FMI est simple, expliquent les économistes d\'Aurel bgc. Le FMI ne peut pas débloquer une nouvelle tranche d\'aide s\'il est certain que la Grèce ne remboursera pas et qu\'il faudra restructurer sa dette. Le FMI ne peut pas prendre un risque excessif de perte sur les contributions des différents pays à son financement\".Le problème est que le moyen le plus simple pour ramener la dette grecque à 120 % du PIB d\'ici à 2020 est que les pays de la zone euro acceptent de passer en perte une partie de leurs prêts à Athènes, ce qu\'ils refusent catégoriquement. Cité par Reuters, un député du CDU, le parti d\'Angela Merkel a déclaré à une radio allemande qu\'une décote \" aurait trois conséquences que nous jugeons mauvaises. [...]. D\'abord, cela coûterait de l\'argent. Ensuite, cela enverrait un signal désastreux à l\'Irlande, au Portugal voire à l\'Espagne, qui se demanderaient immédiatement pourquoi eux doivent accepter de mettre sur pied de difficiles mesures [d\'austérité] [...] et cela aurait des conséquences sur la règle budgétaire.\"D\'où l\'idée défendue depuis quelques semaines par les Européens : repousser à 2022, le délai auquel on doit attendre un retour du ratio d\'endettement de la Grèce à 120 % de son PIB. Le FMI ne veut pas de cette fuite en avant et met en avant la nécessité d\'avoir un plan de désendettement crédible.Les options alternativesDans ces conditions, plusieurs mesures alternatives sont envisagées pour réduire la dette grecque dans les délais les plus courts.\" Il faut restructurer la dette sans le dire, explique Christian Parisot, responsable de la recherche économique chez Aurel bgc. Les Européens ne veulent pas assumer maintenant un \"haircut\" sur la dette : politiquement, il serait difficile d\'annoncer aux opinions qu\'une partie des aides sont perdues et viennent augmenter d\'autant les endettements nationaux...surtout après la dégradation de la France. Donc on bricole...\"- La BCE pourrait renoncer au paiement des intérêts (coupons) auxquels elle peut prétendre pour les obligations grecques qu\'elle détient. En fait, elle reverserait les profits sur les obligations grecques qu\'elle a acquises, aux Etats, qui pourrait ensuite le reverser en aide à la Grèce.- Les Européens pourraient octroyer un moratoire à la Grèce sur le paiement des intérêts sur environ 130 milliards d\'euros de prêts du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Cela permettrait à Athènes d\'économiser environ 40 milliards d\'euros sur une décennie, selon un responsable de la zone euro.- La Grèce pourrait racheter ses obligations (avec une décote) à ses créanciers privés.- Les taux d\'intérêt sur les prêts bilatéraux déjà accordés à la Grèce pourraient être abaissés\" Le défi de ces six prochains jours est à la fois technique et politique, écrit Mark Wall, économiste chez Deutsche Bank, dans une note. Il s\'agit de trouver le bon dosage  de ces paramètres\" pour rendre la dette grecque soutenable d\'ici à 2020. Reste en effet à définir l\'ampleur d\'un éventuel moratoire, le cas échéant, le degré de diminution des taux d\'intérêt sur les prêts, la décote à appliquer en cas de rachat. De vastes débats en perspective... Déjà, Angela Merkel a jugé que les besoins de financement de la Grèce pourraient être satisfaits grâce à une baisse des taux d\'intérêts combinée à un renforcement du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Elle a évoqué la possibilité d\'augmenter de dix milliards d\'euros les garanties du fonds de sauvetage européen pour permettre à Athènes de se financer jusqu\'en 2016, assurant que Berlin assumerait sa part.Le prochain versement : 31,5 ou 44 milliards d\'euros ?En théorie, si l\'aide à la Grèce est versée après les prochaines réunions de l\'Eurogroupe et de l\'Ecofin des 3-4 décembre prochains, trois tranches d\'aide pourraient être débloquées d\'un coup : celle de juin, de 31,5 milliard d\'euros, celle de septembre de 5 milliards et celle de décembre de 8 milliards. Mais il n\'est pas impossible que seule la tranche de 31,5 milliards d\'euros soit débloquée. \"Débloquer plusieurs tranches en même temps irait à l\'encontre de l\'esprit du programme selon lequel chaque versement est conditionné à une série d\'actions de la part de la Grèce. Or les mesures prises par le gouvernement grec depuis début novembre correspondent aux conditions pour obtenir le versement de la tranche de 31,5 milliards d\'euros\", souligne Alan Lemangnen, économiste chez Natixis. 
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