Facebook joue l'ambiguïté entre vie privée et vie publique pour préserver son modèle

Depuis vendredi, les membres du réseau Facebook sont prévenus : tout propos tenu sur le réseau social pourra être retenu contre eux. Le conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt a estimé que le licenciement de deux salariés, qui avaient critiqué leur employeur Alten sur Facebook, était fondé. S'il est loin d'être définitif - les salariés vont faire appel devant la cour d'appel - le jugement est en France le premier du genre. De prime abord, il choque. Dans l'esprit de ses membres, Facebook est un univers fermé, privé où l'internaute choisit le réseau avec lequel il communique. C'est donc, croyant être entre eux, que les deux salariés licenciés d'Alten ont discuté librement de leur employeur un samedi soir comme ils l'auraient fait dans un salon. « Même s'ils n'en ont pas le sentiment, les gens doivent prendre conscience que Facebook est un lieu hybride, entre espace public et privé, où le droit s'applique. On peut attaquer en diffamation et heureusement », explique le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). En droit français, critiquer son employeur est répréhensible, le salarié ayant une « obligation de loyauté », selon le cabinet Ichay et Mullenex. Pour le moment, le conseil des prud'hommes n'a pas réellement tranché sur le caractère privé ou public de Facebook. Dans le jugement, c'est parce que l'espace sur lequel s'exprimaient les protagonistes était ouvert aux « amis d'amis » que le conseil a jugé qu'il s'agissait d'un espace public. Autrement dit, « si l'internaute paramétrait autrement son compte en le réservant qu'à un nombre limité d'amis, cela pourrait avoir un statut de correspondance privée. Cela restera toutefois une appréciation au cas par cas », explique Joël Heslaut, avocat chez Alérion. De fait, « l'atteinte au secret des correspondances privées, comme le mail, est un délit puni d'un an d'emprisonnement et de 450.000 euros d'amende », indique Diane Mullenex, avocate chez Ichay et Mullenex. ignorance des internautesReste que pour Alex Türk, « Facebook ne peut offrir de garantie absolue. La preuve, 75 à 80 % des enfants de 11 à 12 ans sont sur Facebook. Alors que le réseau précise qu'il faut avoir 13 ans pour être inscrit ». Pour autant, Facebook, qui refuse de s'exprimer sur le sujet au motif que l'affaire concerne des tiers, tient un discours ambigu, entretenant le sentiment des internautes d'être dans un espace privé. Le réseau social n'a pas de mot assez fort pour communiquer sur ses outils de protection de la vie privée. « C'est un marché de dupe. Facebook est une société commerciale, il ne faut pas que ses membres le quittent, sinon c'est la ruine », s'indigne Alex Türk. Les victimes du réseau pourraient-elles se retourner contre la société ? « Dans certaines circonstances, on ne pourrait exclure un engagement de la responsabilité de Facebook pour un manquement à son obligation de conseil », estime Joël Heslaut. L'ignorance des internautes en la matière est à mettre en corrélation avec une surveillance de plus en plus accrue des entreprises de leurs salariés sur Internet. Qui n'a jamais « Google-isé » - recherché sur Google - quelqu'un sur le Net ? Face à ces intrusions, l'Allemagne va soumettre un projet de loi, déjà adopté en Conseil des ministres, interdisant aux recruteurs de rechercher des informations publiques sur des candidats s'exprimant sur les réseaux sociaux comme Facebook.
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