La pharmacie irlandaise

téL'Irlande fera-t-elle partie des « victimes collatérales » des mutations de l'industrie pharmaceutique ? C'est en tout cas ce qui menace le Tigre celtique, où huit des dix premiers laboratoires mondiaux ont choisi de fabriquer leurs médicaments. Implantées depuis les années 1970, les sciences de la vie (pharmacie, chimie, diagnostic, etc.) ont pris un poids considérable en Irlande depuis deux décennies. Au point de représenter près de la moitié des exportations du pays l'an dernier (42 milliards d'euros sur 86 milliards). Les raisons de cet essor ? Des incitations financières fortes (le taux d'impôt sur les sociétés est parmi les plus bas d'Europe, à 12,5 %) et une main-d'?uvre qualifiée de plus de 40.000 salariés.Mais « l'usine de l'Europe » est aujourd'hui menacée. D'une part, l'expiration des brevets des blockbusters produits sur place (Lipitor, de Pfizer, Zyprexa, de Lilly, etc.) va entraîner des pertes de volumes importantes. D'autre part, dans leur chasse aux coûts, les laboratoires externalisent de plus en plus leur production. L'an dernier, l'américain Amgen a abandonné un projet d'usine de plus de 1 milliard d'euros dans la région de Cork (Sud), en raison des difficultés rencontrées par ses grands médicaments. « Ils possèdent le terrain mais le chantier est au point mort », confirme un sous-traitant local. L'Irlande subit aussi les conséquences des mégafusions. « À eux deux, Pfizer et Wyeth possèdent six usines dans le pays ; il y a fort à parier qu'ils vont en céder certaines », estime la PDG de la PME Cellix, Vivienne Williams. Avec à la clé des réductions de postes, voire des fermetures. En début d'année, Pfizer a vendu au génériqueur portugais Hovione l'usine qui fabriquait le principe actif du Lipitor, dont le brevet expire en 2011. Un autre site est en vente près de Cork.200 PME dans la santéPour s'adapter, l'Irlande encourage les grands laboratoires à développer sur place leur recherche et développement (R&D), avec des crédits d'impôts et des « clusters » rapprochant universités et industriels. Lucide, l'île joue aussi sur sa réputation d'excellence. « Nous ne pourrons pas lutter avec la Chine en termes de coûts. Mais pour qui veut éviter les erreurs de fabrication, nous restons les meilleurs », souligne Ray O'Connor, responsable de l'IDA (agence de développement irlandaise) pour la région Sud-Ouest. Pfizer vient ainsi d'investir 190 millions d'euros pour produire des médicaments biotech pour ses essais cliniques dans la région de Cork.L'Irlande compte aussi sur ses quelque 200 PME du secteur de la santé. Elles n'échappent pas à la récession, particulièrement brutale dans le pays, mais devraient tout de même atteindre un taux de croissance moyen de 13 % en 2009, après avoir bondi de 22 % l'an dernier. Reste qu'avec 610 millions d'euros d'exportations l'an dernier, ces nouveaux « bébés tigres » sont encore loin de pouvoir remplacer la manne financière que représentent, pour l'Irlande, les grands groupes internationaux. AUDREY TONNELIER, À CORK (sud de l'irlande)
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