Salaires : cet autre fossé entre la France et l'Allemagne

De toute évidence pour le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, les partenaires sociaux allemands, soutenus par toute la classe politique, sont en train de commettre « la dernière des bêtises ». Depuis l'été dernier en effet syndicats et employeurs de différentes branches de la première économie de la zone euro bouclent les uns après les autres des accords revalorisant les salaires de plus de 3 % alors que l'inflation atteint désormais 2 % en Allemagne, son plus haut niveau depuis octobre 2008.Jean-Claude Trichet vient de qualifier la tentation d'octroyer des hausses de salaires comme « la dernière bêtise à faire ». À l'appui de son propos il cite justement l'Allemagne en exemple : « dans la zone euro ceux qui ont su maîtriser leurs coûts connaissent un grand succès, en matière notamment de réduction du chômage, qui est l'objectif majeur ». Il souligne qu'en dix ans, « les hausses des traitements et des salaires dans la fonction publique ont progressé de 35 % en France comme en moyenne dans la zone euro et de seulement 17 % en Allemagne »... De fait, côté hausse des salaires, les Allemands se sont serrés la ceinture durant une décennie. Avec une progression des rémunérations brutes de seulement 21,8 % entre 2000 et 2010, l'Allemagne était la lanterne rouge des 27 pays de l'Union européenne (UE). Pendant ce temps les salaires français progressaient de 30,5 %. Mais cette modération est aujourd'hui révolue. Depuis l'été les partenaires sociaux allemands (qui ont le monopole des négociations salariales) renouvellent les conventions collectives avec des hausses bien supérieures à l'inflation : 3,6 % l'automne dernier dans la métallurgie ou encore lundi dernier pour les 130.000 employés du secteur textile et de l'habillement ouest-allemand. En échange de ces augmentations, la validité des conventions collectives dépasse souvent 18 mois, garantissant aux employeurs une stabilité. De grands groupes comme Siemens et Bosch ont même anticipé de deux mois des hausses de salaires déjà actées : « avancer les hausses est juste afin de partager avec les salariés l'effet de la reprise » explique Helga Schwitzer, une dirigeante du puissant syndicat IG Metall. L'Allemagne a en effet connu l'an dernier une croissance record depuis la réunification de 3,6 %. Même si les dirigeants politiques n'ont pas de prise sur ces accords salariaux, ils les appellent de leurs voeux à l'unanimité, en particulier la chancelière Merkel et ses alliés libéraux du FPD pourtant peu suspects de défense des positions syndicales. La hausse des salaires est aussi alimentée par le manque de main d'oeuvre patent dans nombre de secteurs : les rares candidats à des postes peuvent négocier une bien meilleure rémunération.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.