Un cycle d'OPA en mode mineur

Un singulier jeune homme. Il a démarré son entreprise en novembre 2008. En décembre 2010, il a refusé une offre de rachat de Google qui lui proposait... 6 milliards de dollars. Entre-temps, Andrew Mason a installé Groupon, dans le créneau du « social commerce ». Chaque matin, Groupon envoie un e-mail à ses adhérents proposant des rabais massifs sur une liste de produits ou services accessibles dans certaines villes. L'ampleur de la proposition, jointe à l'évaluation de la valeur de Facebook par Goldman Sachs - 50 milliards de dollars - est-elle l'indice d'une nouvelle bulle Internet ? Réponse, oui. Est-ce plus largement le signe annonciateur d'une nouvelle vague d'OPA, de LBO et de fusions-acquisitions sur l'ensemble d'un marché mondial remis du traumatisme de la crise financière ? Oui, mais pas dans les conditions des épisodes précédents.Pour comprendre le changement d'atmosphère sur le marché du rachat d'entreprise, revenons une décennie en arrière. Dans les mois qui précèdent les deux chocs de 2000 (éclatement de la bulle Internet) et 2001 (attentat d'Al-Qaida à Manhattan), AOL et Time Warner scellent une mégafusion à 200 milliards de dollars. Dans la France du gouvernement Jospin, la BNP absorbe Paribas, Renault se marie avec Nissan, Total conquiert Elf Aquitaine, Matra et Daimler-Mercedes inventent EADS. Hoechst épouse Rhône-Poulenc et Synthélabo fusionne avec Sanofi, prélude à la naissance de Sanofi-Aventis en 2004. La Bourse est alors le centre névralgique d'un capitalisme industriel occidental en recomposition.Un nouveau cycle des fusions-acquisitions est aujourd'hui enclenché. La crise financière a calmé les arrogances. Le mythe du prédateur conquérant a sombré dans l'insignifiance face à deux événements majeurs : la menace d'effondrement des pétromonarchies pro-américaines du Moyen-Orient et la crise sociale qui ronge les pays occidentaux. Dès lors, le nouveau cycle d'OPA présente trois caractéristiques. 1. DISSOCIATIONAvec la disparition des réflexes moutonniers des années d'emballement, l'ingénierie financière a cessé d'être le moteur principal de la création de valeur. Chaque secteur a ses priorités, la recherche d'économies d'échelle pour les uns (fusions dans l'électricité ou le forage pétrolier), la traque aux gisements de croissance pour les autres (rachat de Genzyme par Sanofi-Aventis). Le degré de tolérance sur le niveau de prime payée par rapport au dernier cours de Bourse varie d'un métier à l'autre (pas plus de 25 % à 30 % en moyenne). Les prix sont logiquement élevés dans l'énergie, la santé et l'agroalimentaire, trois moteurs de la croissance mondiale à long terme. 2. CIBLES MOYENNESOù trouver les bonnes cibles ? Réponse majoritaire : dans le vivier des entreprises moyennes performantes. Le volume des opérations concernant des entreprises de 250 millions à 2 milliards de dollars de chiffre d'affaires a explosé. General Electric, Cisco, ou en France, Essilor, sont des experts dans la détection et l'intégration des petites perles. 3. BASCULE GÉOGRAPHIQUEPuisque le moteur de la croissance mondiale se trouve dans les pays émergents, il est logique que les entreprises occidentales y soient à la recherche de leurs propres relais de croissance. À l'inverse, les groupes chinois, brésiliens ou indiens sont acheteurs du savoir-faire et des parts de marché des entreprises occidentales sous-cotées.La croissance organique reste la voie royale du développement de l'entreprise « inspirée » mais les périodes de transition géopolitique et technologique sont propices au croisement des actifs, des cultures et des structures. Nous y sommes. Nous entrons sans Barnum hollywoodien, dans un cycle qui va, n'en doutons pas, redessiner la géographie industrielle de la planète.
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