Non aux affairistes de l'électricité, pour une écologie réelle

L'État doit fixer bientôt le prix auquel, selon la loi Nome portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, EDF devra céder jusqu'à 25 % de sa production d'électricité nucléaire actuelle.Supposée aviver une concurrence que le dogme libéral croit bénéfique aux consommateurs, cette loi n'est assortie d'aucune considération écologique ni sociale et sera au contraire, selon les pouvoirs publics eux-mêmes, porteuse d'une hausse de 20 à 30 % de nos factures à tous. Pour qui donc est-elle faite ? Pour les fournisseurs alternatifs, sociétés à l'activité virtuelle de quelques opportunistes attirés par cette ouverture. Ils n'ont aucun rôle réel dans la production ni la distribution de l'électricité. Ils n'apportent rien sur le plan écologique, ni aucune valeur ajoutée aux consommateurs, se contentant de les démarcher vigoureusement puis les facturer.C'est à ces sociétés champignons que la loi Nome donnera le droit de prendre à EDF son électricité, à un prix que l'État fixerait assez bas pour qu'elles soient rentables. Le tour est bientôt joué : à peine conclu ou même entrevu un tel contrat avec EDF, la fortune des financiers habiles qui les ont constituées est faite par le simple jeu spéculatif sur la valeur d'option de ce contrat, et ils n'ont déjà ou n'auront de cesse que de tenter de les vendre. Leur sens de l'opportunité comme le talent d'hommes d'influence, dont le lobbying aura permis le succès de cette manoeuvre, leur vaudraient une certaine admiration si elle créait une valeur réelle et ne se limitait pas à un tour de passe-passe consistant à prélever sur tous les consommateurs français, même les plus modestes, de quoi enrichir ces quelques artistes.Certains se seraient déjà signalés par leurs paris sur d'autres niches de marché ouvertes via la loi, ou par leur art consommé, lors de la bulle Internet et après, de sortir avant que le soufflé ne retombe. Mais ils jouent ici un coup d'une autre ampleur. La loi Nome établit leur mainmise sur une ressource vitale de notre société développée, l'électricité, pour laquelle la nation a consenti de lourds investissements depuis un siècle. D'ailleurs, s'il fallait vraiment ouvrir l'usage de ce patrimoine à plusieurs entreprises, n'était-il pas légitime de se limiter à celles qui poursuivent cet effort de long terme, comme GDF Suez, et bâtissent ainsi pour le pays les infrastructures clés pour son avenir ? Au contraire, la loi Nome force EDF à leur brader ce trésor, et dans des conditions plus favorables même qu'à GDF Suez, l'autre groupe prêt à investir à grande échelle - au motif même qu'il en a la capacité ! Avoir distillé l'idée que cette loi viendrait de Bruxelles semble légitimer cette opération, mais c'est faux. Créer par la loi un droit d'accès forcé à prix réglementé à un outil de production n'est évidemment pas issu d'une inspiration libérale importée, et n'est prévu par aucun texte européen. C'est une simple astuce parisienne, qui singe l'ouverture du marché mais prive la collectivité de ses éventuels bénéfices au profit de quelques-uns. Elle donne à l'exception française une forme pitoyable, semblant oublier le « service public à la française », et au-delà les valeurs inscrites au fronton de nos mairies, comme toute vision stratégique ou de long terme pour le secteur.Le temps est-il révolu où l'État portait une grande ambition pour l'industrie de notre pays ? Le gouvernement a pris des décisions courageuses pour l'électricité solaire, filière prometteuse sinon à maturité. Il fallait éviter d'injurier l'avenir. Un flot mal maîtrisé de subventions (que nous payons tous) aurait conduit à préempter cette précieuse ressource en couvrant nos toits de panneaux (chinois) bientôt dépassés, ce qui aurait fait prendre à la France un retard durable. Au-delà, pour développer sérieusement l'électricité solaire, il faut renforcer la R&D jusqu'à atteindre la rentabilité de la filière, et n'envisager qu'alors le déploiement massif, fondé sur une obligation d'achat garantissant ses débouchés, mais à prix de marché et non subventionnée.De même, le courage commanderait d'abroger sans délai les dispositions de la loi Nome dédiées à quelques flibustiers qui ne contribuent en rien à un développement durable. A minima, ces soldes monstres qui leur sont réservées ne doivent pas saborder le navire amiral. Maintenir le meilleur niveau de sécurité en tirant les leçons de l'accident nippon pourrait bien justifier de retenir un prix supérieur à 45 euros par mégawattheure pour une production de base. Doit être respecté le travail de tous ceux qui ont su bâtir EDF et en faire l'entreprise préférée des Français - conscients du service qu'elle rend à tous - et simultanément l'un des premiers et des plus performants des opérateurs électriques au monde. Notre politique énergétique demeure vitale pour le pays. La gravité de la situation du Japon nous le rappelle et invite à se focaliser sur l'essentiel : cela interdit de s'égarer en lois d'exception et impose de suivre une ligne de long terme, sociale et écologique. Il en va de la sécurité, de la qualité de vie, de l'autonomie stratégique et de la compétitivité de la France et de l'Europe : pour nous aujourd'hui, et pour nos enfants.
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