« L'AFD pourrait devenir le banquier de la recherche et de l'enseignement supérieur des pays du Sud »

Jean-Michel Severino, directeur général de l'Agence française de développement (AFD)L'Agence française de développement a joué en 2009 un rôle d'amortisseur de la crise économique en augmentant le volume de ses financements, passés de 4,5 à 6,2 milliards d'euros en un an. Son directeur général, Jean Michel Severino, qui présentait jeudi le bilan annuel de l'agence, a souligne que celle-ci avait « renforcé son soutien à l'Afrique subsaharienne à hauteur de 2 milliards d'euros » en 2009 (contre 1,5 en 2008) : le continent noir reste le premier bénéficiaire de l'AFD, avec plus de 40 % de ses engagements financiers. La zone méditerranéenne et le Moyen-Orient ont receuilli 1,15 milliard d'euros de financement, l'Asie et Pacifique 1,1 milliard, et la zone Amérique latine et Caraïbes 620 millions. Enfin, dans les collectivités françaises de l'Outre-mer, l'AFD a consacré 970 millions d'euros au financement des collectivités locales et du secteur privé. Au total, estime son directeur, dont le mandat a pris fin jeudi, l'activité de l' AFD, a contribué à la relance économique dans les pays du Sud et dans l'Outre-mer. Quel bilan faîtes-vous de ces neuf années à la tête de l'AFD ?J'ai hérité d'une maison très bien gérée disposant de deux atouts de taille : des fonds propres importants dépassant 60 % des engagements et un personnel de grande qualité. Le problème était que l'essentiel de l'activité se concentrait sur des prêts concessionnels à des états africains pour la plupart en faillite. L'enjeu était de repositionner l'AFD. On a fait un pari sur l'Afrique en partant de l'idée que l'heure du continent avait sonné et que les Africains eux-mêmes étaient devenus le principal moteur de la croissance du continent. On a donc cherché des entreprises, des collectivités locales et des états avec lesquels travailler. Nos engagements sur le continent sont passés de 500 millions d'euros en 2001 à 2,5 milliards aujourd'hui. Le deuxième pari était celui de la Méditerranée. Il semble semble aujourd'hui validé avec le projet d'Union pour la Méditerranée. Le troisième fut celui des pays émergents. Faut-il étendre davantage encore le périmètre d'action de l'AFD ? Je le pense. L'AFD pourrait jouer un rôle important sur la formation des élites dans les pays en développement. Les moyens du ministère de l'éducation pour former les élites à l'étranger sont concentrés au ministère de l'éducation et son malheureusement modestes. L'AFD pourrait tout à fait devenir le banquier de l'enseignement supérieur et de la recherche. Dans le domaine de l'alimentation, grand défi du XXIe siècle, l'AFD pourrait également participer au transfert des technologies et du savoir faire français afin de réduire la pression sur l'eau et les sols en Chine, par exemple. Mais l'AFD ne peut quand même pas tout faire ?Le plus grand ennemi de l'action c'est le tout ou le rien. La question se pose souvent dans les termes ou bien on fait tout ou bien l'on ne fait rien, c'est-à-dire que l'on laisse les grandes agences internationales gérer le problème. Je ne pense pas que ce soit la bonne approche. De quoi êtes-vous le plus fier à la tête de l'AFD ? Probablement d'avoir profondément transformé les instruments de notre action. Au début de la décennie l'agence n'avait que deux instruments : les dons et les prêts concessionnels. Depuis, elle a développé des solutions d'ingénierie financière très vastes. En 2009, l'AFD a permis à 7 millions de personnes d'accéder à l'eau potable. Avec les instruments financiers de 2001 ce résultat eut été hors d'atteinte. Un regret ?D'avoir passé autant de temps à s'écharper en franco-français, notamment d'avoir eu à gérer les difficultés existentielles du ministère des affaires étrangères. Le Quai d'Orsay a accepté de se débarrasser de ses activités opérationnelles en matière de coopération pour devenir le ministère définissant la stratégie de la France à l'étranger. Le transfert de nombreuses compétences a été vécu de façon très douloureuse. En outre, la très forte rotation des ministres ? j'ai connu sept ministres de la coopération à l'AFD ? fait que la continuité et les compétences se trouvent du côté de l'AFD et non plus au ministère de la coopération. On vous donne partant pour la fondation Bill Gates...C'est une rumeur sans aucun fondement. Je n'ai pas encore pris de décision. Mais je me vois mal quitter l'univers auquel j'appartiens. Je souhaite rester dans la sphère de l'aide avec l'Afrique comme fil conducteur. Je suis né à Abidjan et je n'ai jamais imaginé faire autre chose que de travailler en Afrique. Propos recueillis par Xavier Harel
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