Pourquoi j'ai cessé de m'inquiéter

Les Bourses se traînent, les anticipations inflationnistes se sont calmées et les rendements obligataires semblent solidement arrimés. Les marchés craignent de toute évidence une récession en « W », et s'interrogent sur la capacité des autorités monétaires à faire face, compte tenu de la réticence des décideurs à utiliser tout stimulus budgétaire. Or, contrairement à nombre d'investisseurs, nous ne tablons pas sur une récession à double creux aux États-Unis ou dans les économies mondiales.Les stimuli de la croissance sont bien là. Mais on peut se féliciter que les banques centrales n'aient pas eu à lever le petit doigt?: les marchés font très efficacement leur travail. Tant que la récession ne se concrétisera pas, la baisse des prix des actifs risqués et la modération des anticipations inflationnistes auront donc pour corollaire une disponibilité durable de liquidités abondantes.Même si, traditionnellement, c'est la variation des taux d'intérêt qui constitue le principal levier des politiques monétaires, les circuits de distribution des crédits et des actifs de la transmission monétaire sont eux aussi essentiels. À la mi-2009, ce sont les marchés des actifs qui ont fait le travail de la Fed lorsque la baisse des taux d'intérêt qu'elle avait décidée a été moins efficace. Aujourd'hui, alors que les prêteurs restent hésitants et que les banques centrales peinent à baisser les taux dans le cadre d'une détente quantitative, les marchés des actifs prennent à nouveau le relais des banques centrales.Face aux marchés qui s'interrogent sur une récession à double creux, les banquiers centraux restent prudents sans être réellement inquiets. La Fed a laissé entendre que les conditions d'une nouvelle relance étaient très loin d'être réunies, tandis que la BCE a fait allusion à une fin de leurs programmes d'achat d'obligations, et que la Banque d'Angleterre s'est prononcée nettement en faveur d'une hausse. Quant aux économies émergentes, elles n'ont pas du tout ces interrogations?: les banques centrales d'Inde, de Corée, de Malaisie, de Thaïlande, du Brésil et du Pérou ont ainsi toutes décidé de relever leurs taux directeurs, et la banque centrale de Chine a annoncé en juillet la désindexation du yuan sur le dollar américain. À en juger par les apparences, les décideurs, du moins ceux des marchés émergents, semblent croire, bien plus que les marchés, à la pérennité de la reprise mondiale. Alors que le « silence » monétaire a accompagné les fortes reprises enregistrées début 2010 dans la région Asie (hors Japon), la normalisation bien entamée des politiques monétaires laisse présager des ajustements raisonnables dans le monde entier. La banque centrale du Brésil a décidé un resserrement du crédit, qui met en lumière le petit jeu de rattrapage auquel les économies d'Amérique latine et les banques centrales semblent jouer avec leurs homologues asiatiques. Enfin, les économies du G10, où se situe l'épicentre des risques souverains, et les économies d'Europe centrale, d'Afrique et du Moyen-Orient, qui entretiennent des liens étroits avec la zone euro, forment l'arrière-garde d'une politique monétaire devenue plus restrictive.Faute d'une mise à disposition abondante de liquidités par les grandes banques centrales, leurs homologues de la région Asie (hors Japon) et d'Amérique latine auraient sans nul doute peiné à remonter leurs taux d'intérêt à un niveau normal. Mais les grandes banques centrales peuvent tenir plus longtemps avec ce coup de pouce des marchés, et les pays du G10 devraient ainsi profiter durablement de liquidités abondantes. Les banques centrales des pays émergents peuvent ainsi à la fois souffler et bénéficier d'une marge de manoeuvre pour resserrer leurs taux. Et il n'est pas exclu que les grandes économies renforcent le changement de tendance de leur politique monétaire.
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