Surenchère de promesses fiscales outre-Rhin

électionsCette campagne électorale allemande est décidément bien étrange. Les débats y sont rares, et lorsqu'ils sont ouverts, ils prennent une tournure extravagante. Ainsi en va-t-il de la question fiscale. La récession et les mesures gouvernementales de relance ont creusé profondément le déficit budgétaire. Pour l'an prochain, le projet de budget prévoit un déficit du seul État fédéral de 86 milliards d'euros, soit près de 3,5 % du PIB. L'endettement devrait atteindre alors 80 % du PIB. Un chiffre record qui réduira de fait à néant la marge de man?uvre fiscale du prochain gouvernement. La plupart des économistes réclament même un plan concret de réduction du déficit pour les quatre prochaines années.Et pourtant, si chacun reconnaît la nécessité d'améliorer les finances publiques, la droite allemande a fait des baisses d'impôts un des thèmes centraux de cette campagne. À commencer par les libéraux du FDP, qui proposent une réorganisation de l'impôt sur le revenu autour de trois tranches seulement. Économie pour les contribuables : 35 milliards d'euros. Les conservateurs bavarois de la CSU n'ont pas voulu être en reste. Ils promettent des réductions pour l'impôt sur le revenu en 2011 et 2012, une baisse de la TVA dans l'hôtellerie et la restauration, des baisses de la taxe professionnelle et de l'impôt sur les successions? Le tout, évidemment, sans relèvement d'autres taxes. La CSU fait de ce programme une condition à toute future coalition. Quant à Angela Merkel, si elle hésitait encore voici quelques semaines à mettre le sujet sur le devant de la scène, il n'est désormais plus question d'une telle retenue. La chancelière insiste même lourdement sur sa volonté de baisser les impôts « pour tous les contribuables, particulièrement à revenus faibles et moyens ». Selon elle, seul le retour à la croissance réduira le déficit. Or, plus les impôts seront faibles, plus la croissance sera vigoureuse et le déficit comblé.schizophrénieEn face, le candidat social-démocrate Frank-Walter Steinmeier parle de promesses « absurdes et intenables ». Il a vivement attaqué, lors du débat télévisé, l'argumentation d'Angela Merkel, estimant que le taux de croissance nécessaire à ses plans devrait être de 9 % ! Mais si le SPD ne promet pas de cadeau fiscal, il promet de nouvelles dépenses, ce qui grèvera aussi le budget. Une sorte de schizophrénie règne sur le sujet. Officiellement, les grands partis sont pour la réduction de l'endettement de l'État, mais chacun promet de quoi l'augmenter encore un peu. Et la voix de la raison ne semble plus avoir droit de cité dans le débat. Lundi, le ministre de l'Économie CSU, Karl-Theodor zu Guttenberg, qui avait évoqué de possibles baisses des dépenses de l'État après les élections, a été tancé par la chancelière. Quant au ministre des Finances, Peer Steinbrück, il a lui aussi admis, dans la « Süddeutsche Zeitung », la nécessité de coupes dans les dépenses. Mais il a aussi résumé la situation par une métaphore fleurie : « La CDU, la CSU et le FDP parlent de baisses d'impôts et jettent de l'or aux yeux des gens et je devrais être le couillon (sic !) qui, au milieu de tout cela, proclame les exigences du prochain budget ? Non merci ! » Bref, jusqu'à dimanche, toutes les promesses sont permises. Lundi, la réalité reprendra le dessus. Romaric Godin, à Francfort
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