Les villes fantômes qui ont brisé les banques irlandaises

Au premier abord, le lotissement de Silver Birches est plutôt propret. Les angles des murs des maisons sont en pierres apparentes, le double vitrage en bois est élégant, et les jardinets sont sommaires mais entretenus... Le terrain a beau se trouver au milieu de nulle part, à quelques kilomètres de la petite ville de Longford, au centre de l'Irlande, il n'a rien de désagréable. Ce n'est qu'après une inspection plus avancée que l'horreur du lieu est révélée : près de la moitié des maisons sont vides. À l'arrière, cachés derrière une butte, des murs à moitié construits sont laissés à l'abandon, depuis que les promoteurs immobiliers ont fait faillite il y a deux ans. Silver Birches (les « bouleaux argentés ») est ce que les Irlandais appellent eux-mêmes une « ville fantôme ». Dans le comté de Longford, il y en a 19 où vivent 30.000 habitants, ce qui en fait la troisième région la plus touchée d'Irlande.Ces lotissements immobiliers se sont répandus dans l'Irlande pendant les années folles de 2004 à 2007. Les prêts des banques aux promoteurs immobiliers ont alors quadruplé. Aujourd'hui, environ 230.000 logements sont vacants, soit l'équivalent de 4,5 millions d'habitants.« Tout le monde était devenu promoteur » Pendant un temps pourtant, les acheteurs se précipitaient, à commencer par John Killane, qui a acheté sa maison à Silver Birches début 2007. À l'époque, cet agent de sécurité, dont la femme s'occupe de leurs deux jeunes enfants, s'est lourdement endetté pour trouver les 285.000 euros nécessaires. « C'était un endroit que nous adorions. Les promoteurs immobiliers nous avaient dit qu'ils allaient construire un terrain de tennis, une crèche, voire une piscine... »C'était avant qu'ils ne fassent faillite. Courant 2008, à court d'argent, ils ont disparu, sans laisser de trace. Puis, l'an dernier, John Killane a perdu son emploi. Il ne peut désormais plus rembourser son prêt immobilier. « Je touche 385 euros d'allocations sociales par semaine, et mon prêt est de 1.200 euros par mois. » Impossible cependant de revendre sa maison : les prix immobiliers, après avoir triplé en six ans, se sont effondrés de 35 % dans toute l'Irlande, et plutôt de 50 % à Longford.Comment expliquer la construction de ces villes fantômes ? Tout le monde y trouvait son compte. Les banques accordaient sans regarder des prêts de 100 % de la valeur des logements. Surtout, et c'est de là que vient l'essentiel de leurs pertes, elles prêtaient très facilement aux promoteurs immobiliers. « Tout le monde était devenu promoteur immobilier, se rappelle Fintan McGill, un agent immobilier local. Les dentistes, les enseignants, les infirmières : tous ont été attirés par l'argent facile. » Conséquence logique : l'explosion de la bulle immobilière touche tout le monde. Selon Goldman Sachs, environ le quart des prêts immobiliers sont supérieurs à la valeur du logement sur lequel il est adossé. Surtout, 60 % à 70 % des prêts aux promoteurs immobiliers sont de la même façon dans le rouge. Au total, la valeur du secteur immobilier dans l'économie irlandaise a baissé de 75 % depuis son pic de 2006.Éric Albert, envoyé spécial à Longford et Dublin (Irlande)
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