Ce faux économiste qui a envoûté le Portugal

En 2012, on le voyait partout au Portugal. Sur les chaînes de télévision, dans les journaux, dans les congrès. Depuis sa première apparition à l’académie Bacalhau de Lisbonne en avril dernier, Artur Baptista da Silva était l’économiste vedette du pays, la coqueluche des médias. Il ne comptait pas ses attaques contre le gouvernement de centre-droit de Lisbonne et sa politique d’austérité. Finalement, il était devenu le héros de toute une nation effectivement étranglée par la dévaluation interne exigée par le maintien dans la zone euro et la troïka.OvationLe quotidien espagnol El Pais rappelle que le 4 décembre dernier, le très chic International Club de Lisbonne lui a fait une ovation. Une dizaine de jours plus tard, l’hebdomadaire national très sérieux Expresso, qui tire à 120.000 exemplaires, avait dédié deux pages à un entretien avec ce keynésien forcené. Comment ne pas prendre Artur Baptista da Silva au sérieux? Son curriculum vitae était des plus impressionnant: ancien conseiller de la Banque mondiale, économiste aux Nations Unies, il se vantait également d’enseigner l’économie sociale au Milton College, dans le Wisconsin. L’ennui, c’est que tout ceci était faux.Découvert !C\'est en fin d\'année dernière que le pot aux roses a été découvert. Les Nations Unies ont confirmé à une chaîne de télévision portugaise que ce monsieur était inconnu de l’organisation. On chercha plus avant, et on découvrit que le Milton College où la star était censée étudier avait fermé en… 1982 ! Le masque tomba. L’homme était en réalité un escroc à la petite semaine, spécialisé dans la falsification de documents et de chèques. Des délits pour lesquels il avait été condamné à de la prison ferme. Il était sorti de cellule en 2011, quelques mois avant son extraordinaire ascension médiatique. Artur Baptista da Silva s\'est plaint d\'être victime d\'une «chasse aux sorcières» médiatique... avant de se volatiliser. Nul ne sait où il se trouve actuellement, et la justice portugaise a ouvert une enquête.EspoirsCette affaire comique pose plusieurs questions. La première, c’est évidemment celle de la vérification des informations et la crédibilité des médias modernes. Expresso a dû s\'excuser auprès de ses lecteurs. Mais ce n’est peut-être pas la plus essentielle. Si tout le monde a cru Artur Baptista da Silva au Portugal, c’est peut-être parce que son discours sonnait juste et donnait de l’espoir à une population à qui le gouvernement affirme qu’il «n’y a pas d’alternative». Cette année, les classes moyennes vont voir leurs impôts exploser et la croissance restera un rêve inaccessible: le PIB devrait, selon la Commission de Bruxelles, reculer de 1% et le chômage atteindre 16,5% de la population active. Il n’est pas besoin d’être économiste aux Nations Unies pour comprendre qu’une telle situation est difficilement supportable.  
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