Adhérer pour ne pas se soumettre

Dans la problématique de la souffrance au travail, il y a un élément oublié : le surmenage induit par les multiples visages adoptés au bureau. Contraints de rentrer dans les fourches caudines de la culture d'entreprise, combien sommes-nous à tronquer des éléments forts de notre personnalité ? Un rapport de recherche du cabinet OPP a exploré ce que les psychologues du travail nomment la désirabilité sociale sur le lieu de travail. En clair, ils ont étudié le processus par lequel chacun tente de contrôler son image. Résultat : non seulement celui-ci a un impact négatif sur les individus mais en faisant trop écho aux attentes des employeurs, il s'avère contre-productif pour l'optimisation des performances. La question n'est d'ailleurs pas de savoir si cette désirabilité sociale est bonne ou mauvaise en soi. Elle est de mesurer à quel point cette distorsion éventuelle nuit à l'individu et du même coup à l'organisation. « Jusqu'à quel point une entreprise peut-elle innover si elle incite ses employés à être des copies inauthentiques les uns des autres ? Par expérience, nous observons que la croissance et l'amélioration des performances viennent de la connaissance de soi et du déploiement volontariste de points forts », note Robert McHenry, le patron d'OPP. Malheureusement, l'étude d'OPP montre qu'il est commun chez les salariés européens de modifier la manière dont leur personnalité est perçue au travail. Car le désir d'approbation est un moteur très puissant. La moitié des salariés interrogés disent d'ailleurs adopter un comportement différent au travail et dans la vie privée. Une stratégie de caméléon qui nuit à l'engagement personnel et contrarie les potentiels. Le propos n'est pas de faire valoir à tout prix ce que nous sommes par la formule lapidaire « je suis comme ça ». On peut apprendre à agir selon des modes nouveaux pour accroître ses capacités et ce faisant découvrir des facettes de personnalité restées sinon dans l'ombre. Le problème est de savoir garder son naturel. Adopter un comportement non inscrit dans son « moi véritable » peut entraîner un malaise psychologique diffus. Pour preuve, plus d'un tiers des salariés trouvent stressant d'afficher un faux visage. L'étude d'OPP révèle d'ailleurs une extrême confusion pour la plupart des employés sur la question de savoir « qui ils sont censés être » sur leur lieu de travail. Et plus les gens attachent de l'importance à leur personnalité plus ils l'ont adaptée lors des entretiens d'embauche. Une réinvention de soi qui nuit gravement autant aux individus qu'à la richesse de l'organisation. Tant il est vrai qu'une personnalité « vraie » permet de créer un état d'esprit et un environnement qui incite les gens à donner le meilleur d'eux-mêmes plutôt que de les amener à gaspiller leur énergie en adoptant un masque qui n'est pas le leur. à bannir donc, le caméléon de bureau. nLe caméléon croira toujours qu'il suffit de changer de forme pour échapper à tout. » Frank Herbert, écrivain américain.
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