Pourquoi le prix des lunettes est-il aussi élevé en France ?

Au cause des prix des lunettes qui flambent, ils voient rouge. Après Marc Simoncini, le fondateur de Meetic et créateur du site de vente d\'optique en ligne Sensee, c\'est au tour de l\'association UFC-Que Choisir de s\'offusquer publiquement des prix pratiqués dans le secteur, et surtout sur les marges dégagées par les opticiens. L\'association de défense des consommateurs publiait ce mardi sa propre étude dans laquelle elle observe à la loupe la formation des prix des lunettes en France. Et les compare au reste de l\'Europe.Sa conclusion se révèle pour le moins sévère. Le président de l\'association Alain Bazot, blâme un\" business model dément\". D\'après son enquête, il y a trop d\'opticiens dans l\'Hexagone, et le coût de fonctionnement des boutiques repose trop lourdement sur les consommateurs. La Tribune fait le point en quatre questions... et autant d\'enjeux. Quel est le coût moyen d\'une paire de lunette pour le consommateur en France ? En moyenne le prix d\'une paire de lunettes correctrices atteindrait 470 euros TTC en France selon l\'Union française des consommateurs. Un coût supporté très largement par les consommateurs. L\'UFC calcule ainsi que les complémentaires santé en remboursent 50,2% du prix et les ménages paient directement 43,7%. Le reste (moins de 6%) est financé par la Sécurité sociale, donc le contribuable. Au total, la dépense pour les ménages représente 10% de leur budget santé. Comme les Français équipés changent de lunettes tous les trois ans en moyenne, le budget moyen par personne et par an avoisinerait les 75 euros, soit bien plus que la moyenne européenne. Il s\'agirait même des prix les plus élevés d\'Europe. (voir graphique ci-dessous).Problème : cette comparaison a ses limites dans la mesure où les porteurs de lunettes n\'achètent pas le même type de produit selon les pays. C\'est d\'ailleurs le principal argument de défense des opticiens. \"En France, c\'est la dépense d\'optique qui est élevée, pas les prix. Les Français ne font pas les mêmes arbitrages que les autres. Le poids du milieu de gamme et du haut de gamme y est plus élevé qu\'ailleurs. Dans les pays anglo-saxons, vous voyez encore des gens avec des double-foyers. Ce n\'est pas le cas ici\", expliquait ainsi Jean-Pierre Champion, le patron du groupe Krys, interrogé par La Tribune le 19 avril.Même discours du côté des opticiens indépendants. Stéphanie Dangre, qui dirige le groupe All, regroupement d\'enseignes indépendantes, estime ainsi qu\'il \"faudrait comparer le même type de produits\" pour avoir une idée claire des différences de coût entre les différents pays européens, et bien sûr prendre en compte les différences de taxes. \"La valeur des lunettes, ce n\'est pas seulement la matière, le plastique, c\'est aussi l\'innovation derrière\", plaide en outre Stéphanie Dangre. La technologie utilisée par les verriers feraient donc grimper les prix. Problème : le prix des lunettes repose, semble-t-il, en très large partie sur les marges réalisées par les opticiens. Dans quelle mesure les marges pratiquées par les opticiens expliquent-elles ce coût élevé ? \"Attention les yeux, les marges des opticiens risquent de vous éblouir\", prévient Alain Bazot, le président de l\'UFC-Que choisir. De fait, sans même avoir à comparer avec les voisins européens, l\'examen de la formation du prix des lunettes donne des résultats pour le moins surprenants. Ainsi, une paire coûtant 393 euros en moyenne hors taxe coûterait... 3,3 fois moins cher à l\'opticien, c\'est-à-dire 118 euros pour une monture et des verres. Cela représente un taux de marge brute moyenne de... 233%. Elle atteint 342% pour les verres unifocaux et 304% pour les verres progressifs.D\'après cette étude reposant sur une enquête réalisée auprès des opticiens, les marges servent essentiellement à financer les frais de fonctionnement , la prestation (deux heures par monture en moyenne) et de marketing. Ce qui réduit la marge nette à 28 euros par paire. A l\'égard des frais de marketing, l\'UFC pointe les 580 millions d\'euros dépensé chaque année (sur un chiffre d\'affaires total de 4,7 milliards d\'euros pour le marché de des lunettes de vue). Il vise également la pratique devenue courante de vendre une deuxième, voire une troisième, paire à un prix symbolique. Pour Mathieu Escot, chargé de la santé à l\'UFC, c\'est là le \"signe d\'un marché défaillant. \" Pourquoi, malgré la forte hausse du nombre d\'opticiens, les lunettes restent-elles si chères ?Parce que chaque opticien vend trop peu de lunettes. Par jour, l\'UFC estime qu\'une boutique en vend 2,8 paires. Un niveau très faible qui proviendrait de la profusion de l\'offre. L\'Hexagone en compte aujourd\'hui plus de 11.000. Depuis l\'an 2000, 3.650 nouvelles boutiques ont ouvert en France, soit une hausse de 47%. Une explosion qui, selon cette étude, ne s\'explique pas seulement par la démographie. Bien au contraire. Sur cette période, la part attribuée à l\'accroissement de la population atteint 8% et celle liée à son vieillissement de 5%, sachant que les personnes les plus âgées sont plus enclines à porter des lunettes, le reste, soit 34% de la hausse du nombre de boutiques, serait superflue. Il y aurait même \"2.465 boutiques supplémentaires [qui] ne répondent pas à des besoins réels et dont le consommateur doit supporter les coûts\", est-il écrit dans l\'étude. Rien en revanche dans cette enquête sur certaines pratiques consistant à pousser les consommateurs dotés de mutuelles au taux de remboursement élevé à acheter des produits plus chers. Comment les prix pourraient-ils baisser ?Sans surprise, Marc Simoncini plaidait pour sa cause : la vente sur internet. Un modèle \"pure-player\" balayé par l\'UFC dans la mesure où il reste très marginal. De fait, seuls, 2% des Français ont acheté des lunettes sur internet l\'an dernier selon une enquête du Credoc publiée fin 2012 et citée par le site spécialisé Acuité. Ce mode de vente est en outre vu d\'un très mauvais œil par certains professionnels de santé qui estiment que, sur internet, il n\'est pas possible de prendre correctement les mesures pour adapter au mieux les lunettes à la posture de chaque individu.D\'autres solutions existent cependant pour préserver la qualité du service tout en faisant baisser les prix, affirment certains opticiens. C\'est le cas, par exemple, des solutions dites \"multicanal\". L\'internaute choisit sa paire sur internet puis va la chercher chez un opticien. \"A qualité équivalente, nous sommes 40% moins cher qu\'un opticien traditionnel\", clame ainsi Philippe Wargnier, ancien de Spartoo qui a monté Evioo, un site qui propose ce type de vente également appelé \"click and mortar\". Un système qui, selon lui, permet d\'apporter \"du business à l\'opticien\" physique, ce qui justifierait que ses partenaires ne touchent que 30% des ventes qu\'il réalise.  Le groupe Krys, deuxième en France derrière Optic 2000 avec 12% du marché, a, de son côté, multiplié les types d\'offre. Son patron, Jean-Pierre Champion, affirme ainsi que \"réduire les prix c\'est possible\". Il se dit ainsi \"tout à fait favorable à un accord entre opticiens et mutuelles sur une grille de prix\".C\'est justement ce que prône L\'UFC. L\'association défend la mise en place de \"réseaux de soin\". En clair, cela revient à autoriser ces mutuelles à négocier des baisses de prix auprès de vendeurs qu\'elles auront sélectionnés. Une mesure qui nécessiterait bien sûr un encadrement, prévient l\'association de consommateurs, afin que le passage vers telle ou telle enseigne ne soit pas obligatoire mais optionnel. De telles pratiques pourraient, selon l\'UFC, permettre de faire baisser les prix jusqu\'à 40%.
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