Présence indispensable

Mauvaise nouvelle : passer son temps à avoir l'esprit ailleurs est la porte ouverte au vague à l'âme ! C'est la conclusion d'une étude de deux chercheurs en psychologie de l'université de Harvard publiée dans la revue américaine « Science » du 12 novembre. Matthew Killingsworth et Daniel Gilbert ont mené leur expérience auprès de 2.250 personnes de 18 à 88 ans (parmi lesquelles 74 % d'américains) dotés d'un iPhone à l'application particulière : au cours de la journée les cobayes étaient interrogés sur leur activité du moment, devaient indiquer s'ils pensaient à autre chose qu'à cette activité, et si ces pensées étaient neutres, plaisantes ou déplaisantes. Dans 46,9 % des cas, les individus interrogés avaient l'esprit ailleurs. Et les chercheurs d'en conclure, au vu des pensées plutôt moroses recueillies en majorité, que la distraction est la cause et non la conséquence de nos états dépressifs. « Car les gens ne sont pas plus heureux lorsqu'ils pensent à des choses agréables que lorsque leur esprit ne vagabonde pas. »Terrifiant, lorsque la même étude souligne que l'esprit humain part en balade au moins 30 % du temps quelle soit l'activité, hormis l'activité physique et sexuelle. Moralité : même une tâche désagréable réclame notre présence pour devenir supportable quand bien même on pensait mieux y échapper en se réfugiant dans nos pensées. Activités les plus sujettes à la distraction : trajets quotidiens, heures de bureau, et celles passées devant l'écran d'un ordinateur. Je vous laisse faire le calcul. Si l'étude montre à quel point notre mental est envahi par ce qui n'est pas présent, avant elle, les maîtres du zen et autres gourous en sont arrivés à la même conclusion, eux qui prônent le ici et maintenant pour être bien dans sa vie. S'imposer une disciplineCe temps de l'ego, celui du petit vélo qui tourne inlassablement dans notre tête, nous pousse dans le rejet et le déni du temps présent, dans le regret du temps passé ou l'attente du futur. Avec une petite musique en toile de fond qui chante sa litanie « ailleurs mieux qu'ici ». L'activité mentale naturelle exerce un sabotage permanent. Il s'agit dons de s'imposer une sorte de discipline pour tenter une présence dans l'instant. Première règle : le fait d'observer étonné les remous de la pensée et son agitation temporelle offre déjà un degré de présence. Etre conscient de ce que l'on fait permet à notre intelligence de s'éveiller, de devenir un témoin et non de se faire complice du charabia entretenu par notre ego. Deuxième principe qui découle du précédent : faire de la place à la nouvelle dimension qui s'impose. Car c'est lorsque l'on observe une pensée que l'on ressent une nouvelle présence. Dixit les grands maîtres. La pensée perd alors de son pouvoir et n'alimente plus le mental. De cette manière, le témoin introduit un hiatus dans le cours de la pensée. Dans cet intervalle, résident un certain degré de calme, de paix intérieure, et même une joie délicate. C'est léger, mais suffisant pour que le sentiment d'exister soit éprouvé. Pas si simple cependant. Il s'agit d'entreprendre un sacré travail d'acceptation de ce qui est et a eu lieu, et d'arriver à regarder l'avenir avec moins d'inquiétude. On comprend maintenant pourquoi on préfère souvent un bon verre de vin rouge ou une bonne série télé. « Un monde heureux suscite un art ancré dans l'ici et maintenant. »Paul Klee
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