Le vieillissement, une chance à saisir

On les dit les plus pessimistes d'Europe, résignés face à une France « ridée », malade de vieillesse. D'un côté, il y aurait les vieux et de l'autre les jeunes - atteints de « diplomite ». Entre eux deux, des actifs, perfusés d'un leitmotiv très présent ces derniers mois, travailleront plus pour payer les retraites, un peu plus pour financer la dépendance. L'affaire est entendue, les plus de 60 ans qui pèseront pour plus d'un tiers de la population française en 2030, captent aujourd'hui près de 20 % du PIB et risquent d'en consommer près de 30 %.L'avenir serait donc gris-aïeux et les moins de 30 ans auraient raison d'être résignés. Le pays se désindustrialise et le seul avenir qu'il nous est donné de voir est le développement des services à la personne, suivant l'exemple du Japon, le grand laboratoire du vieillissement. Et pourtant, les nouvelles étaient plutôt réjouissantes. Nous avons gagné dix années d'espérance de vie sur les dernières décennies. Nous pouvons nous enorgueillir d'être le pays des centenaires d'Europe - ils seront 200.000 personnes à l'horizon 2060.Excellente nouvelle d'un point de vue individuel, ces dix années gagnées sur la mort sont un véritable fardeau collectif. Les dépenses sociales liées au vieillissement de la population - y compris la dépendance - capteront la quasi-totalité du 1,2 % de gains de productivité annuelle que nous grappillons difficilement. Ironie du sort, l'augmentation du taux d'activité des seniors risque de peser, à court terme, sur nos gains de productivité. Et nous cumulons un autre handicap de taille : si les seniors sont moins productifs que la moyenne de la population active, ils restent plus productifs que les jeunes actifs de moins de 30 ans. Comment aller chercher ce 1,5 % de gains de productivité manquant ? Pour sauver les vieux, il faut sauver les jeunes ! L'économie de la connaissance est un virage vital pour les sociétés vieillissantes : l'investissement dans l'enseignement supérieur est la clé de la croissance de la productivité. Il ne s'agit donc pas de travailler plus, mais mieux ! Les politiques publiques en matière d'éducation et formation ne sont pas à la hauteur de nos ambitions. D'ici à 2045, 60 % des élèves chinois auront au moins un diplôme d'études secondaires, comme aux États-Unis et au Japon. De l'autre côté, le système éducatif français - excellent pour faire émerger une élite - laisse de côté une large partie de la jeunesse. 37 % seulement d'une génération accèdent à l'enseignement supérieur.Il suffirait d'investir dans les secteurs innovants, à forte valeur ajoutée - et la santé l'est à double titre - et d'avoir une main-d'oeuvre hautement qualifiée. Une meilleure formation des jeunes, la perspective d'une seconde carrière pour les seniors devraient par conséquent contribuer à créer la richesse qui nous ferait bientôt défaut. Certes, le message est entendu, jusqu'à devenir une lapalissade. Mais la Chine, l'Inde et les États-Unis ne réussissent pas autrement - l'investissement en santé et en éducation y est massif. Sortons de ce malentendu sur les dépenses de santé. Elles représenteront entre 14 % et 21 % du PIB en France à l'horizon 2050. Mais ce que l'on sait moins, c'est que 60 % de leur augmentation tient à l'innovation médicale et à sa diffusion. La santé est une richesse plus que tangible.Selon des travaux américains, l'amélioration de la qualité de vie et l'augmentation de l'espérance de vie en bonne santé entre 1970 et 2000, équivalent à un gain de 34 % de PIB, soit plus du double des dépenses de santé des Américains. Vivre plus longtemps n'est donc pas une condamnation, et l'explosion des dépenses de santé une catastrophe, mais bien au contraire une opportunité. Mais comment allons-nous vieillir ? C'est là sans doute que les incertitudes sont les plus grandes. La problématique de la dépendance va bien au-delà des risques épidémiologiques de certaines maladies, elle pose la question de l'organisation de la solidarité entre les générations, au sein du cercle familial, comme au niveau territorial : elle implique de « réinventer » la ville, de « refaire la société ». La gestion de la dépendance sera un signe fort de la place que nous donnons aux seniors. Car la dépendance n'est pas un phénomène en soi : elle est le résultat des parcours de vie professionnelle des individus.ParHélène Xuan Université Paris Dauphine
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