Pétroplus : les juges consulaires ne sont pas coupables de la désindustrialisation !

Depuis la liquidation de Pétroplus intervenue il y a quelques jours, on entend s\'élever des vociférations concernant le rôle de la justice commerciale dans cette affaire. Sous entendu : même si Pétroplus était en cessation de paiement depuis de nombreux mois, le tribunal de commerce de Rouen a donné le coup de grâce au site et à ses salariés, en prononçant cette liquidation. Belle façon de dédouaner les politiques économiques, au détriment de la justice.On saisit bien l\'arrière pensée de ceux qui profèrent de telles inepties : ah, si seulement la liquidation n\'était pas prononcée par des personnes issues horreur, d\'entreprises privées, mais si, oh bonheur, il s\'agissait de fonctionnaires, certes imperméables à la vie des entreprises, mais garants de l\'intérêt général ! Mais qui peut honnêtement penser qu\'une réforme de la justice va réindustrialiser la France ? Cette désignation des juges consulaires comme boucs émissaires de nos problèmes macroéconomiques illustre à quel point il est nécessaire dans ce pays de remettre les idées à l\'endroit.Gouvernance inadaptéeN\'importe quel étudiant en économie et, a fortiori, économiste (mais on pourrait en attendre au moins autant des politiques) est capable de comprendre d\'où viennent les problèmes industriels de la France, en particulier dans le secteur du raffinage. D\'ailleurs, le rapport Gallois comme le rapport Attali comme, en vérité, tous les rapports qui ont fleurit en France depuis plusieurs décennies soulignent à juste titre les mêmes causes. Premièrement, une inflation de normes et de réglementations, chapeautées par l\'inepte principe de précaution, qui élèvent considérablement les coûts de production, et réduisent les quantités produites. Deuxièmement, une instabilité fiscale et réglementaire (sans même parler du niveau des prélèvements obligatoires lui-même) propice à décourager n\'importe quel repreneur rationnel et sérieux. Troisièmement, des syndicats trop contestataires car par assez représentatifs. Pour un dialogue social apaisé, il faudrait qu\'au moins 20% des salariés soient syndiqués. Or ils sont moins de 5% dans le secteur privé aujourd\'hui. Enfin, une classe politique incapable de jouer le rôle qu\'on serait en droit d\'attendre dans une démocratie mature. Les politiques ont littéralement détourné la crainte et le désespoir à leur profit, faisant miroiter, pendant la campagne présidentielle, des mesures de politique économique miracles et, ensuite, des repreneurs désintéressés. L\'extrême droite et l\'extrême gauche, si promptes à dénoncer le soi-disant système, n\'ont pas été moins démagogiques que les partis de Gouvernement ce qui d\'ailleurs ne devrait pas étonner.L\'affaire Petroplus intéresse le macroéconomiste car elle est une loupe grossissante de nos errements collectifs et surtout de nos méthodes de gouvernance inadaptées : faute de dialogue social et de décentralisation, l\'Etat se retrouve en contact direct avec les salariés d\'une usine. Et faute d\'avoir le courage de leur dire que la destruction d\'emplois et même la fermeture de sites sont socialement acceptables et même économiquement nécessaires si la création est dynamique, il se retrouve à draguer désespérément d\'illusoires repreneurs. Il se retrouve à tenter d\'empêcher l\'arbre de tomber, là où il devrait arroser la forêt qui pousse. Il se retrouve à niveler l\'économie française vers le bas, à la grande tristesse des juges consulaires qui ne se réjouissent certainement pas de voir le bateau couler.Nicolas Bouzou est le directeur et le fondateur du cabinet de conseil et de recherche économique Asterès. Directeur d\'étude en Droit et Management à l\'Université d\'Assas, il vient de publier On entend l\'arbre tomber mais pas la forêt pousser, février 2013, JC Lattès. 
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