Les mille et un débats autour du Smic

Joseph Fontanet, le défunt ministre du Travail de Jacques Chaban-Delmas en 1970, aurait-il pu imaginer que, 42 ans après avoir institué le salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) - qui remplaçait alors le Smig avec un \"g\" comme garanti qui ne progressait qu\'en fonction de la seule inflation -, son \"œuvre\" continuerait à faire polémique et à donner lieu à autant de débats contradictoires ? On ne compte plus les écrits, empoignades et interrogations autour de la notion de Smic! Une première : l\'augmentation anticipée du SmicPremière illustration. Le gouvernement annoncera mardi 26 juin le niveau de revalorisation du Smic qui devrait intervenir au 1er juillet. Selon le quotidien \"Les Echos\", cette hausse devrait atteindre 2% - ce que refuse de confirmer le gouvernement-, ce qui porterait le Smic horaire brut de 9,22 euros actuellement à 9,40 euros. Première originalité par rapport aux principes fondamentaux gérant le Smic, cette augmentation pourrait être en réalité, une \"anticipation\" sur la progression automatique du salaire minimum qui intervient chaque année, depuis 2010,  le 1er janvier (auparavant c\'était le 1er juillet),  en fonction de l\'inflation constatée depuis sa précédente revalorisation et de la moitié du gain de pouvoir d\'achat du salaire moyen ouvrier. Donc, en réalité, si ceci se confirme, l\'augmentation programmée pour le 1er juillet ne correspondra que partiellement au \"coup de pouce\" promis par le candidat Hollande. L\'inflation constatée entre novembre 2011 (qui a servi de base à la dernière augmentation) et mai 2012 ayant atteint 1,4%, si la revalorisation est bien de 2%, alors le coup de pouce réel reste limité à 0,6%. Pis, la prochaine augmentation au 1er janvier 2013 ne se fera alors qu\'en fonction de l\'inflation enregistrée entre mai et novembre 2012. Inédit dans l\'histoire du Smic. A moins que, d\'ici là, la croissance soit de retour...La croissance, nouveau paramètre pour la revalorisation du Smic?C\'est la deuxième illustration de la complexité du \"concept\" Smic. Pour éviter les éternelles polémiques sur la nécessité ou pas d\'accorder régulièrement un  \"coup de pouce\" au Smic, le candidat Hollande envisageait de modifier les paramètres de sa revalorisation. L\'idée était de garder le critère \"inflation\" mais de remplacer le critère  \"moitié du gain de pouvoir d\'achat du salaire moyen ouvrier\" par celui de la croissance du PIB. Concrètement, chaque année, le Smic serait revalorisé en fonction de la totalité, de la moitié ou du quart de la progression du PIB constatée. François Hollande espérait même appliquer pour la première fois ce critère le 1er juillet ... Or, c\'est raté : l\'évolution de la croissance depuis  janvier 2012 étant nulle. L\'opération sera t-elle à nouveau tentée le 1er janvier prochain ?Le Smic est-il responsable de la compression des salaires?Troisième illustration : les maux dont le Smic serait responsable. La progression du Smic est non seulement accusée de créer du chômage (en rendant le coût du travail des salariés non qualifiés trop onéreux) mais aussi de compresser l\'ensemble des salaires en raison de ses augmentations trop fréquentes et trop fortes. Selon l\'Insee, en 2011, dans le secteur privé, 10,6% des salariés étaient rémunérés au niveau du Smic. Une proportion qui monte à... 25,2% pour les salariés à temps partiel. Actuellement, pour un temps plein, le Smic mensuel net se situe à environ 1.100 euros. Or, le salaire médian net (50% des salariés gagnent moins et 50% gagnent plus), lui, atteint \"seulement\" 1.650 euros mensuels. Ce faible écart est dû pour certains économistes comme Francis Kramarz au niveau trop élevé du Smic. Faux répondent d\'autres : le faible niveau des salaires en France est surtout dû à un effet pervers du mécanisme général des allégements de charges - appelé dispositif Fillon - qui crée une véritable\" trappe à bas salaires\". De fait, en France, toutes les entreprises peuvent bénéficier d\'allégements de cotisations patronales de sécurité sociale, de façon dégressive, pour les salaires compris entre un et 1,6 Smic. Les entreprises seraient alors tentées de limiter les hausses de salaires pour profiter d\'allégements plus importants.... Le débat perdure.Quand l\'Europe s\'en mêleQuatrième illustration : la dimension européenne. En Europe, certains pays (Belgique, Espagne, Royaume-Uni, etc.) ont, à l\'instar de la France, un salaire minimum. D\'autres non (Italie, Allemagne qui y réfléchit). Cependant, en avril 2012, un rapport européen émanant de la commission aux affaires sociales, présidée par Laszlo Andor, est venu jeter un pavé dans la mare. Afin d\'explorer  les pistes pour  \"une croissance plus riche en emplois\" », le rapport suggère d\'encourager les gouvernements nationaux à considérer le marché du travail au niveau de l\'Union européenne dans son ensemble et plus seulement au niveau national. Dans ce cadre, à défaut de pouvoir \"imposer ou harmoniser un salaire minimum partout au sein de l\'Union(....). Nous plaidons pour la généralisation de salaires minimaux. En d\'autres termes, la Commission européenne prône un salaire minimum identique au niveau des secteurs professionnels. Ce salaire minimum serait donc, par exemple, différent dans la chimie et dans l\'automobile... Or, en France, le Smic est le même partout. Si l\'idée européenne progressait, ce serait alors l\'explosion du salaire minimum français... Que dirait Joseph Fontanet ?  
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