« Le redressement prendra une décennie »

entretien avec Thierry Breton, pdg d'atos origin, ancien ministre de l'ÉconomieGrand témoin hier soir des premières Rencontres des décideurs « La Tribune »-BFM, Thierry Breton, ancien ministre de l'Économie et des Finances de Dominique de Villepin, de février 2005 à mai 2007, aujourd'hui PDG d'Atos Origin, estime qu'il faudra dix ans au moins pour rétablir les finances publiques après la crise. Auteur du livre « Anti-Dette » (Plon), il appelle les dirigeants européens à revoir les règles du Pacte de stabilité et de croissance pour retrouver des disciplines vertueuses.Le gouvernement s'est engagé à ramener le déficit public à 3 % en 2013. Pour cela, Éric Woerth parle de 50 milliards d'euros d'économies. Est-ce crédible ?Éric Woerth a en tout cas raison de dire que cela nécessite « un effort considérable ». Sur les trente dernières années, la France n'a jamais réduit son déficit de plus de 0,7 point par an dans la durée. Là, il faudrait le diminuer de 1,7 point par an sur trois ans. Ce serait donc une première.Où faut-il agir en priorité ?Sur les quelque 161 milliards de déficits prévus en 2010, au sens de Maastricht, en tenant compte de l'excédent des Odac (organismes d'administration centrale), l'État représente environ 150 milliards, la Sécurité sociale 30 milliards et les collectivités locales moins d'une dizaine. L'effort principal doit donc porter sur l'État, dont le déficit structurel, selon la Cour des comptes, a doublé depuis 2007. Et revoir en profondeur le périmètre de ses missions.Avec l'explosion de la dette, les critères de Maastricht ont-ils encore un sens ?Non. Le FMI estime lui-même qu'il est irréaliste, pour la plupart des pays de la zone euro, de revenir sous les 3 % du PIB à un horizon proche. Pour la dette, il l'évalue à 93 % du PIB en France en 2014, à 89 % en Allemagne, à 129 % en Italie et à 98 % au Royaume-Uni. Bien loin des 60 % de Maastricht. Soyons clairs. Les règles qui ont fondé le Pacte de stabilité et de croissance ont volé en éclats avec la crise. Il est impératif, pour poursuivre la construction européenne et consolider la zone euro, de définir de nouvelles règles. Avec un niveau crédible pour le plafond de l'endettement que j'estime entre 90 % et 100% du PIB, tout en y associant un calendrier réaliste mais contraignant de retour vers l'équilibre budgétaire. Une nouvelle Union pour la croissance et l'emploi.Justement, Nicolas Sarkozy a demandé que l'on étudie l'inscription de la règle d'or budgétaire dans notre Constitution. Cet instrument peut-il être efficace ?Tout à fait. Les Allemands ont eu raison d'inscrire dans leur Loi fondamentale l'interdiction, à partir de 2016, de présenter une loi de finances dont le déficit dépasserait 0,35 % du PIB. Leur Constitution ne leur permettra plus de voter un budget en déficit à partir de cette date. Se donner pour objectif le retour à l'équilibre à moyen terme est indispensable. Faute de quoi, si on laisse perdurer des écarts de taux de 300 points de base, comme actuellement entre l'Allemagne et la Grèce, la gestion de la zone euro deviendra intenable et les marchés ne tarderont pas à sanctionner. Il est urgent que les dirigeants européens se saisissent de cette question.Mais l'Allemagne n'acceptera jamais de renoncer au Pacte de stabilité?Elle en est déjà sortie, avec une dette publique autour de 80 % du PIB en 2011. Nous entrons dans un monde nouveau.À vous entendre, l'élection présidentielle de 2012 nous promet un quinquennat de rigueur?Dans l'histoire, la rigueur est associée à une période assez courte. Là, le redressement prendra une décennie au moins, soit deux élections présidentielles. Ce n'est plus de rigueur dont il s'agit, mais de la réinvention d'un nouveau Pacte social pour la croissance et l'emploi. Une croissance qui, conformément à ce que nous enseigne l'histoire économique, passe par le désendettement, l'« anti-dette ».Henri Proglio doit-il démissionner de Veolia pour diriger EDF ?Arrêtons les concours d'hypocrisie. Le conseil d'administration d'EDF, celui de Veolia, les commissions du Sénat et de l'Assemblée nationale, tous ceux qui ont eu à se prononcer, ont ratifié la double présidence en parfaite connaissance de cause. Il aura fallu que les différends des deux acteurs de la filière nucléaire viennent sur la place publique pour que ce qui était accepté de tous devienne un problème.Propos recueillis par Philippe Mabille
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