Démographie, spéculation et chaos climatique : un cocktail explosif pour les matières premières

Crise financière rampante, croissance molle et chômage, rien n'y fait : les matières premières ne cessent de grimper. Après une fulgurante accélération en 2010, durant laquelle les ressources ont vu leur prix progresser de 18 %, 2011 débute encore sur les chapeaux de roue. Le cuivre et l'étain se sont offert de nouveaux records historiques, le baril de pétrole reste irrésistiblement attiré par la barre des 100 dollars, et le coton, le sucre et les huiles végétales sont devenus des denrées prisées. D'ici à la fin de l'année, Goldman Sachs anticipe un gain de 7 % du prix moyen des ressources naturelles, évoquant même l'ouverture d'un nouveau supercycle de cette classe d'actifs, tiré par le réveil progressif de la demande des pays occidentaux venue se surajouter à celle du Brésil, de l'Inde et de la Chine. Une envolée d'autant plus attendue que ses motifs reposent sur des bases quantifiables voire inéluctables. Ne serait-ce que la croissance de la population planétaire, qui frôle désormais les 7 milliards d'individus, ainsi que la progression du niveau de vie moyen des pays en voie de développement, dont la population absorbe de plus en plus de ressources alors qu'elle migre vers les villes et crée une demande d'infrastructures titanesque.Les cours des ressources reflètent donc bien une combinaison d'éléments structurels, même s'ils ne sont pas seuls en cause. Sur les matières premières agricoles surtout, un véritable chaos climatique s'est installé, dévastant des récoltes aux quatre coins du globe. De la sécheresse en Russie aux inondations au Pakistan puis en Chine et en Asie du Sud-Est, les météorologues ont vu la patte de La Niña. Ce phénomène climatique provoque actuellement de fortes pluies en Australie et des épisodes de sécheresse en Amérique du Sud. Si l'intensité de La Niña est inhabituelle, certains la lient au réchauffement climatique. Trop de liquiditésForce est de constater que l'occurrence des incidents climatiques augmente et expose de plus en plus la production agricole. Au total, en 2010, ce sont des centaines de millions de tonnes de céréales, de sucre, et de coton qui ont été détruites. Un facteur de hausse à court terme, mais surtout de volatilité : les hausses de production en 2011 devraient refaire chuter les cours.Autre élément conjoncturel, la politique monétaire joue un rôle majeur sur les prix. Les déboires économiques des pays de l'OCDE incitent les banques centrales à inonder les marchés de liquidités - la Fed, à elle seule, aura répandu 900 milliards de dollars entre août 2010 et juin 2011. « La politique de ?quantitative easing? a donné du tonus aux marchés des matières premières », constate Suki Cooper, expert chez Barclays Capital. De fait, la banque anticipe, pour 2011, un nouveau record d'argent frais débarquant sur les indices de matières premières. Soit 60 milliards de dollars. Interviewé cette semaine par la BBC, James Rogers, gourou des placements aux États-Unis et fan réputé des matières premières, n'a pas hésité à évoquer un baril de pétrole à 200 dollars, qui devrait tirer la hausse des autres ressources naturelles. Mais pas l'or, selon lui. Trop 2010, le lingot ? Il semble en tout cas déjà passé de mode auprès des grandes banques, comme JP Morgan par exemple, qui se méfient du sentiment trop partagé sur la poursuite de son envolée. Aline Robert (Lire aussi, page 30, l'analyse de Jacques Diouf, directeur général de la FAO : « Volatilité des prix et crises alimentaires ».)
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