L'Irlande ou le douloureux exemple de la rigueur

La semaine prochaine, Shane Lambert et Audrey Reibel vont devoir quitter leur appartement et s'installer chez la grand-mère de Shane. Le joli deux-pièces moderne où ce jeune couple a emménagé en septembre à Tallaght, un quartier populaire du sud de Dublin, est désormais trop cher pour eux. Audrey, 22 ans, a perdu son emploi de serveuse la semaine dernière. Ayant moins de 25 ans, et moins de deux ans de présence en Irlande, cette Française n'a pas droit aux allocations chômage. Outre ce coup dur, c'est la réduction de 10 % du salaire de Shane qui les contraint à quitter leur appartement. Fonctionnaire chargé de l'informatique à la mairie du sud de Dublin, il a été touché comme toute la fonction publique par le budget de rigueur voté en décembre : il perçoit désormais 300 euros de moins par mois. « On paye pour les erreurs des banquiers et du gouvernement », s'emporte Shane.Contrairement à la Grèce et aux autres pays de la zone euro, l'Irlande a réagi rapidement pour réduire son déficit, face à une sévère récession (le PIB aura baissé de 12 % en quatre ans !). Le gouvernement a appliqué en urgence des mesures dès février 2009, imposant un prélèvement supplémentaire de 7,5 % sur les salaires des fonctionnaires et des hausses de l'impôt sur le revenu. Puis, en décembre, il a fait voter une série de mesures drastiques : baisse immédiate des salaires des fonctionnaires entre 5 % et 10 % ; réduction des allocations familiales ; baisse des allocations chômage des jeunes... Grâce aux économies réalisées, le déficit budgétaire est contenu sous les 12 % du PIB en 2009 et 2010, avec l'objectif d'être sous 3 % en 2014.Gel des embauchesLes marchés ont applaudi (voir ci-contre). Mais sur le terrain, les conséquences sociales sont réelles. À Galway, ville de la côte ouest de l'Irlande, la qualité des services publics s'est sérieusement dégradée. Au Mayo Institute of Technology, les professeurs les plus âgés sont partis à la retraite, pour éviter de voir leur pension alignée sur un salaire abaissé. Ils ne sont pas remplacés, toute embauche étant gelée. « Nous sommes passés de 8 à 5 professeurs dans le département de physique, pour le même nombre d'étudiants », explique Phelim Murniom, un enseignant.À l'hôpital local, les infirmières redoutent les prochains mois : 7 d'entre elles, sur un effectif de 50, vont partir en congé de maternité dans les six mois à venir, et aucune ne sera remplacée. « La qualité des soins s'en ressentira nécessairement », souligne Ann Burke, infirmière en chef, sans compter les effets de la réduction salariale : « Mes allocations familiales, que j'utilisais autrefois pour l'éducation de mes enfants, me servent maintenant à payer mes factures », témoigne Jacky, une infirmière. Les syndicats, plutôt modérés en Irlande (voir ci-contre), ont durci le ton. Un premier grand meeting les réunissant s'est tenu cette semaine à Galway. Ils accusent le gouvernement de se servir de la crise pour faire passer l'équivalent d'une dévaluation : « Avec l'euro, nous ne pouvons pas dévaluer notre monnaie. Les autorités veulent donc réduire les salaires pour que l'Irlande gagne en compétitivit頻, accuse Jack O'Connor, président de l'Irish Congress of Trade Unions. Selon lui, c'est une grave erreur économique : « L'argent retiré de l'économie aggrave la crise ». Dans son appartement de Dublin, Shane confirme : « Quand Audrey a perdu son emploi, c'était une conséquence directe de l'argent retiré de l'économie par les mesures d'austérité. »?
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