Fukushima, révélateur des lacunes du droit international

La distance, le temps encore plus nous empêchent de mesurer les conséquences exactes de ce qu'il est convenu d'appeler la deuxième grande catastrophe nucléaire comparable à celle de Tchernobyl de 1986. On sait cependant qu'une partie du territoire du Japon sera isolée, ne pourra plus remplir sa fonction d'accueil à l'habitation ou aux cultures agricoles. L'étendue exacte des atteintes aux ressources de la mer reste inconnue (alors que les déversements d'eau radioactive continuent). Enfin, les conséquences sanitaires sont mal appréciées ou mal renseignées car des divergences existent entre les sources d'informations officielles et privées.Notre propos ici sera de montrer qu'il sera pour l'avenir indispensable de connaître les causes réelles des défaillances en ce domaine, et que, s'il y avait eu la possibilité d'une intervention internationale dès les premiers jours, nous n'en serions pas à ce point de gravité des conséquences de cette terrible et douloureuse affaire.Après Fukushima, on sait effectivement au moins deux choses : que l'impossible est probable ; que l'ampleur de l'accident dépend non seulement de la prévention mais aussi d'une intervention efficace en urgence.Il faut, dans cette matière plus que dans d'autres, faire preuve d'objectivité et de lucidité ; si l'énergie nucléaire nous apporte confort, chaleur, sécurité d'approvisionnement énergétique, elle ne saurait nous faire oublier que notre confort se paye au prix du risque d'atteinte à l'intégrité du territoire et notre premier devoir est de tout faire pour l'éviter absolument.Cette catastrophe, qu'il faut bien appeler par son nom, va nous conduire à évoquer un sujet qui ne l'est pas souvent, à savoir les lacunes du droit international : les enjeux de sa nécessaire évolution sont évidemment considérables car, si nos informations sont exactes, 443 réacteurs seraient en service sur la planète. C'est un fait que chaque catastrophe appelle nécessairement des réformes et ici nous avons des efforts à faire.L'affaire de Tchernobyl nous a enseigné que certes la cause profonde de l'accident était liée à l'absence de maîtrise de la technique par les hommes (l'accident s'est produit dans le cadre d'essais de tests de sûreté menés de façon inconsidérée), mais la deuxième cause de l'ampleur de l'accident est liée à l'absence d'information, ou plus exactement, la rétention de l'information : pendant des jours, pendant des semaines (ne parlons pas de la situation assez extravagante de la France), rien ne conduisait les États à s'informer mutuellement. À l'époque, aucune convention internationale n'était susceptible de s'appliquer à cet événement. Aussi la société internationale a-t-elle réagi vivement par l'adoption des conventions de Vienne, de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique) de 1986 sur l'entraide et la notification rapide d'un accident nucléaire.L'affaire de Fukushima révèle d'abord l'insuffisance d'évaluation et de prévention des risques naturels majeurs de grande ampleur, qui rendaient fragile l'installation du fait de sa situation (un phénomène de changement climatique ne va certainement pas arranger les choses des centrales de bord de mer), mais elle met surtout en évidence ce que l'on peut appeler la faiblesse des contrôles. Selon les déclarations officielles japonaises reproduites dans un grand journal du soir, les responsables ont fait état d'informations selon lesquelles les responsables de la société d'exploitation avaient passé outre les recommandations et contrôles internes. Il en est souvent ainsi. En l'espèce, l'AIEA, qui jouit de prérogatives que le droit international reconnaît à ce type d'institution, est à cet égard parfaitement défaillante. Théoriquement, elle en a les pouvoirs. Quels sont ses devoirs prioritaires ?- 1er devoir : dire la vérité sur les risques ; de façon curieuse, l'aiguille sur l'échelle des risques est restée au niveau inférieur pendant beaucoup trop longtemps ;- 2e devoir : intervenir directement sur l'exploitation et informer objectivement l'opinion publique ; il nous apparaît indispensable qu'en cas d'accident de ce type, l'Agence, dont la composition devra être revue en faveur de l'OMS (Organisation mondiale de la santé), devra intervenir pour éclairer à la fois ceux qui sont pris dans une tragique réalité, qui sont proches et murés chez eux dans une attente angoissée et les nations plus éloignées ;- 3e devoir : former et mettre à disposition des spécialistes de la catastrophe, entraînés à toutes formes de risques nucléaires. Comme vient de le proposer EDF, des cellules d'intervention d'urgence composées de spécialistes rompus à toutes les éventualités nucléaires doivent être mises en place pour pouvoir intervenir n'importe où quand il le faudra.La confiance et surtout l'utilité du nucléaire sont à ce prix. Il appartient à la société civile de le réclamer car les États et les institutions sont à notre service et non l'inverse.
Commentaire 1
à écrit le 10/09/2014 à 14:57
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Bonjour, dans le cadre d'une recherche de thèse, cet article m'intéresse mais le nom de l'auteur n'est pas mentionné. Pouvez-vous me l'indiquer ? Merci d'avance, A.E.

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