"Zone euro : la lutte contre l'incendie a des limites"

Il est désormais reconnu de tous que les malheurs en Europe découlent de trois problèmes économiques majeurs étroitements liés : la fragilité des banques, la fragilité des dettes souveraines et la fragilité de la croissance. A ces trois difficultés économiques s\'ajoute une incapacité totale de prise de décision au niveau de la zone euro.Quand un gouvernement a des problèmes, il en est de même de son système bancaire (à l\'image de la Grèce) et vice et versa (à l\'image de l\'Irlande). Les complications bancaires rendent les perspectives économiques maussades puisque le financement des entreprises européennes dépend étroitement des banques. A l\'inverse, de faibles perspectives économiques aggravent les bilans bancaires et diminuent les recettes fiscales des gouvernements, entraînant une triple crise des banques, des dettes souveraines et de la croissance (comme l\'Espagne). Depuis que la crise a gagné l\'Espagne et se rapproche de l\'Italie, le risque qu\'elle devienne catastrophique s\'est fortement élevé. En particulier avec la prise de conscience que d\'aussi grands pays pouvaient s\'effondrer. Cette succession d\'événements nuit à l\'investissement en zone euro et contribue encore davantage à l\'aggravation de la triple crise économique.Quelles solutions ?La zone euro nécessite un cadre de gouvernance efficace, qui ne peut voir le jour sans une solide intégration politique. Mais le sentiment dominant dans l\'actuelle configuration intergouvernementale est qu\'il y aura toujours des gouvernements, des parlements ou des cours constitutionnelles qui édulcoreront ou bloqueront toutes initiatives allant dans ce sens. Pour cause, une intégration politique est synonyme de changements de lignes politiques et de constitutions nationales, ce qui parait impossible à l\'heure actuelle.En premier lieu, il est nécessaire d\'avoir une stabilité financière pour retrouver la croissance économique. L\'idée serait de restaurer la confiance des investisseurs et de débloquer les flux de crédits vers le secteur privé. Bien sûr, les réformes structurelles et le redressement du marché commun pourraient y aider à moyen terme. Tout comme le timide «pacte de croissance» pourrait avoir quelques avantages marginaux.Mais à long terme, ces mesures ne sont pas les outils les plus décisifs et déterminants pour pérenniser la stabilité économique de la zone euro. Quand bien même la stabilité financière serait retrouvée, les perspectives de croissance resteraient faibles à cause des ajustements budgétaires, du désendettement du secteur privé, de la limitation de l\'offre de crédits et de la faiblesse de la compétitivité.En revanche, un fédéralisme budgétaire et des outils d\'investissements communs, comme aux Etats-Unis, permettraient à la zone euro de compenser la faible demande de chaque pays européen et relancer une croissance solide. De telles mesures signifieraient évidemment des transferts provisoires entre les pays membres de la zone euro et donc des perspectives de croissances détériorées. Une opération qui sera vouée à l\'échec, même si de tels transferts étaient temporaires et bénéficieraient aux pays de la zone euro en l\'espace de quelques ans.Pour ce qui concerne les banques et la stabilité financière, et à la suite de plusieurs recommandations d\'experts, les politiciens ont soudainement réalisé que leur chère «union bancaire» était un élément indispensable à l\'union monétaire. Lors du sommet européen des 28 et 29 juin, ils ont appelé à la création d\'une autorité de supervision bancaire pour l\'ensemble de la zone euro.Ainsi, le Mécanisme européen de stabilité (MES) pourra recapitaliser directement les banques une fois que l\'autorité de supervision bancaire sera instaurée. Cette décision constitue une avancée majeure. Mais de nombreux points restent flous, notamment celui portant sur la marge de manoeuvre de l\'autorité de supervision vis-à-vis des résolutions des banques. Et aucun calendrier n\'a été établi à ce jour pour en discuter. Les promesses des politiciens ont perdu leur sens.Quant aux dettes souveraines, l\'Espagne pourrait être sauvée avec un plan de grande envergure, en revanche pas l\'Italie, un pays bien trop grand pour être secouru. Aussi, la décision prise lors du Sommet européen de rendre plus flexible le MES en lui permettant d\'acheter de la dette souveraine n\'a aucune utilité puisque les ressources du dispositif sont extrêmement limitées comparé au marché obligataire.L\'Italie devrait s\'écrouler, même avec un financement massif de la Banque centrale européenne ou avec la création d\'Eurobonds (obligations communes aux pays de la zone euro), si les politiciens écartent l\'hypothèse d\'une crise financière dévastatrice. Je reste convaincu que la solution la plus supportable serait de limiter les Eurobonds à 60% du PIB, en coordonnant une phase complète d\'émissions communes, durant laquelle chaque Etat pourrait participer jusqu\'à ce que ses parts de stocks d\'Eurobonds atteignent 60% de son PIB. Mais n\'importe quel type d\'Eurobond nécessite une nouvelle gouvernance et une diminution des prérogatives du souverainisme budgétaire, ce qui ne semble pas être possible sans union politique.Malheureusement, les mesures pour combattre la triple crise économique et les problèmes de gouvernances politiques n\'ont pas été prises avec une vision stratégique durant ces deux dernières années. Au contraire, elles ont été décidées dans le but  de soulager provisoirement la pression accrue exercée par les marchés financiers, à la manière d\'une lutte contre un incendie, en raison des fortes contraintes politiques, légales, etc. Mais cette stratégie «d\'optimisme» pourrait ne pas durer. Ses chances de réussite ont grandement diminué avec la détérioration des perspectives économiques de la zone euro et la pression grandissante des marchés sur l\'Italie.(Traduit par Jérémie Pham-Lê)
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