Aménagement numérique du territoire : le texte rejeté, des questions en suspens

En pleine nuit, vendredi vers 1h 45, dans un hémicycle quasi vide, les députés ont rejeté le texte sur le l\'aménagement numérique du territoire, une proposition de loi des sénateurs Leroy et Maurey qui avait été adoptée en première lecture par le Sénat le 14 février dernier. Le gouvernement avait émis un avis négatif et proposé des amendements supprimant tous les articles à l\'exception du 1A (« L\'aménagement numérique du territoire relève de l\'intérêt général de la Nation. Il implique la création d\'un réseau d\'infrastructures permettant la fourniture d\'un service de communications électroniques à haut et très haut débit aux entreprises, aux services publics comme aux particuliers. ») Le texte proposait de modifier le programme national Très Haut Débit, en rééquilibrant la relation entre les opérateurs et les collectivités locales au profit de celles-ci, de redéfinir les critères de couverture du territoire en téléphonie mobile, et de garantir un « véritable haut débit pour tous à 2 Mégabits/seconde en 2013 », alors que 23% de la population a actuellement accès à un débit inférieur.« Un texte obsolète » selon la ministre La ministre déléguée à l\'Economie numérique, Fleur Pellerin, qui avait confié il y a peu n\'avoir elle-même qu\'un débit de 1Mb/s à Montreuil, près de Paris, où elle habite, a expliqué que le texte était « sous-dimensionné, décalé et obsolète » parce qu\'il visait selon elle le gouvernement précédent et que l\'actuel vient de définir « une ambition nouvelle » en matière de très haut débit (100% de la population couverte en dix ans), la « feuille de route » précise devant être arrêtée en février prochain. Très remonté, le sénateur UDI de Haute-Normandie Hervé Maurey s\'est indigné vendredi matin : « en émettant un avis défavorable sur cette proposition de loi, le gouvernement a clairement manifesté son refus de tout changement réel par rapport au précédent gouvernement. Une nouvelle fois sur un dossier très important pour notre pays et nos territoires, il renvoie à plus tard et décide de s\'en remettre à une mission », en référence à la mission de pilotage national du très haut débit confiée à Antoine Darodes, qui est cependant « une structure, une sorte d\'administration et non une mission de réflexion » fait-on valoir à Bercy. Plus placide ou philosophe, l\'autre co-auteur du texte, le sénateur de Moselle Philippe Leroy (pourtant UMP), a déclaré mardi lors d\'un petit-déjeuner sur le thème des « maires face à l\'aménagement numérique du territoire », qu\'il « ne se sent pas trahi par ce report. Je comprends que le gouvernement souhaite un projet de loi de l\'ère Pellerin », prédisant que la ministre « se ralliera à nos propositions, on a tellement bien travaillé ! » Fleur Pellerin a d\'ailleurs souligné à plusieurs reprises dans son intervention à l\'Assemblée pendant la nuit « la qualité du travail parlementaire qui avait abouti à ce texte » ainsi que « l\'implication des sénateurs Maurey et Leroy. »Le calendrier de la bascule du cuivre vers la fibre arrêté fin 2014 Y aura-t-il in fine une loi sur l\'aménagement numérique du territoire ou le très haut débit ? Ce n\'est pas exclu mais ce n\'est pas tranché à Bercy. « La plupart des mesures évoquées dans ce texte ne relèvent pas, bien souvent, du domaine de la loi mais du règlement ou de l\'accord contractuel » a estimé la ministre cette nuit, demandant « est-ce la loi le meilleur outil pour résoudre, par exemple, le problème de l\'extinction du cuivre ? », à savoir la date à laquelle on arrête le traditionnel réseau de téléphone pour basculer à 100% à la fibre. Mercredi, au Congrès des maires, Fleur Pellerin avait indiqué « il y aura bien une extinction du cuivre, mais progressive et dans un calendrier qui sera précisé après l\'expérimentation de Palaiseau », première ville de France à tester cette bascule en grandeur nature, « soit au second semestre 2014 », alors que la proposition de loi des sénateurs fixait la date butoir au 31 décembre 2025, l\'idée étant d\'inciter les opérateurs à investir dans la fibre.« L\'extinction, c\'est compliqué, cela veut dire installer la fibre partout y compris chez Madame Michu qui n\'a qu\'une ligne téléphonique, venir percer pour passer des goulottes et abîmer sa tapisserie mais aussi faire basculer toutes les lignes de télésurveillance ou téléalarme, comme dans les ascenseurs », fait valoir un haut fonctionnaire bien au fait du dossier. D\'autres sujets pourraient mériter des dispositions législatives, comme la montée en débit, ou l\'obligation pour les régions ou les départements de concevoir un schéma directeur d\'aménagement numérique du territoire, prônée notamment par le sénateur Leroy.La piste d\'une taxe de 50 centimes par mois par abonnement pour compléter le financementIl reste surtout les questions de financement, qui pourraient être traitées dans un projet de loi de finances rectificative, laisse-t-on entendre à Bercy. Il s\'agit notamment d\'alimenter le futur FANT (Fonds d\'aménagement numérique du territoire). Le texte initial des sénateurs proposait une « contribution de solidarité numérique » sur les abonnements à Internet et à la téléphonie mobile de 75 centimes par mois et par abonnement, et une taxe de 2% sur le prix de vente net des téléviseurs et des consoles de jeu (voir l\'article 15), qui n\'avaient pas été retenues en commission au Sénat. La ministre a juste indiqué cette nuit que « notre réponse s\'appuiera sur deux volets : la subvention et les prêts » et que « le Gouvernement apportera des réponses rapidement, en tout état de cause d\'ici février, en abondant le Fonds d\'aménagement numérique du territoire ou un système équivalent. » Laure de la Raudière, député UMP de l\'Eure-et-Loir, avait déposé en commission un amendement (voir page 14) proposant d\'établir « une taxe de 50 centimes par mois et par abonnement » destinée à alimenter le FANT, faisant valoir que celle-ci permettait d\'assurer une péréquation entre les territoires et que « la plupart des Français ont bénéficié en 2012 d\'une baisse des prix de 20% à 30% de leur abonnement avec l\'arrivée de Free Mobile comme 4e opérateur. » Même un des membres du collège de l\'Arcep, le régulateur des télécoms, approuve : « quand on voit que la facture mobile des Français a baissé de 10 ou 20 euros par mois, il suffirait de demander aux consommateurs un effort de 50 centimes par mois, peut-être 1 euro à terme, pour alimenter le FANT » a déclaré Jérôme Coutant, mardi, au petit-déjeuner sur les « maires face à l\'aménagement numérique du territoire. » La piste semble donc faire son chemin. De nouveaux modes de financement de cet immense chantier risquent d’être d’autant plus nécessaires que la Commission européenne vient de faire savoir, dans une position transmise au gouvernement que La Tribune a pu consulter, qu’elle considère que « la construction des infrastructures de base de TIC en France métropolitaine ne fait pas partie des priorités des fonds » de l’UE, tels que le FEDER, pour la période allant de 2014 à 2020. Or ces fonds européens, sous la forme de subventions et pas seulement de prêts, peuvent représenter jusqu’à 50% de la part publique de certains Réseaux d’initiative publique (RIP).  
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