Le numéro un européen de la BD se dessine un avenir numérique

Média-Participations ne porte guère attention à sa réputation de groupe de communication (édition, audiovisuel) un peu trop tranquille. Doucement, mais sûrement, ce groupe discret, à l'image de son président, Vincent Montagne, tisse sa toile dans le numérique. Écarté en 2004 de la reprise d'Editis, numéro deux français de l'édition, le groupe s'est offert un joli lot de consolation la même année avec le rachat de Dupuis, fleuron de la bande dessinée belge. En faisant tomber dans son escarcelle « Spirou », « Lucky Luke », « Gaston Lagaffe » ou encore « Boule et Bill », Média-Participations, qui détenait déjà Dargaud (« XIII », « Blueberry »?) et Le Lombard (« Blake » et « Mortimer », « Alix »?) a conforté sa place de premier éditeur de BD en France, mais aussi en Europe. Dans l'Hexagone, sa part de marché atteint 30,5 %, loin devant le numéro deux, Glénat (14,9 %).Surtout, Média-Participations se prépare à la révolution de la BD numérique qui s'annonce. Pour Vincent Montagne, « Internet est une déclinaison naturelle pour la bande dessinée, et non pas une menace ». « Ce qui est menacé aujourd'hui dans le secteur de l'édition, ce n'est pas la lecture, c'est le papier », insiste-t-il.Pour Claude de Saint-Vincent, le directeur général, « faire voyager un personnage de bande dessinée sur plusieurs supports, que ce soit la presse, la télévision ou maintenant Internet, est dans la culture de notre groupe, dans ses gènes ». « Nous sommes extrêmement agressifs en termes de propositions sur le numérique, mais aussi extrêmement prudents en termes d'investissement », poursuit-il. Média-Participations a ainsi vendu sur l'iPhone 7.000 albums d'un seul opus de « Lucky Luke », à 1,79 euro l'unité. Fort de ce succès, le groupe propose aujourd'hui, via sa filiale Anuman Interactive, quelque 80 albums sur smartphone et 20 guides pratiques de chez Fleurus.Si la bande dessinée dématérialisée est une réalité chez Média-Participations, le groupe tâtonne en revanche, comme tous les éditeurs, sur le modèle économique à adopter. Ce qui n'empêche pas ses dirigeants d'avoir une vision assez précise sur la politique tarifaire qu'ils souhaitent mettre en place. Et de réaffirmer que, même à l'heure d'Internet, le prix de la BD doit être le même quel que soit le site d'achat, et que c'est à l'éditeur de fixer les prix. Car pour Claude de Saint- Vincent, il faut pouvoir adapter le prix selon que le consommateur achète sa BD en version papier, en fichier numérique à conserver (pour l'ordinateur ou le mobile), ou encore en streaming. Ce dernier mode n'autorise que la consultation de l'oeuvre et ne permet pas, contrairement à un site comme iTunes, pour la musique, de conserver l'oeuvre dans sa bibliothèque numérique. Le directeur général de Média-Participations a une conviction : « L'avenir de la BD numérique est plutôt au streaming. »outil marketing magiqueLa réflexion du groupe est d'ailleurs bien engagée puisqu'il sait déjà à quel prix il pourrait vendre ses BD en streaming. Alors qu'en librairie un titre se vend en moyenne entre 10 et 20 euros, Média-Participations pourrait le proposer à 2 euros en simple visionnage. Reste aussi le problème de la distribution des fichiers numériques. Si Média-Participations s'est pour l'heure associé avec Editis et Gallimard pour la distribution des livres, ses dirigeants songent à une solution différente pour la bande dessinée. Ils militent pour une plate-forme le plus large possible. Une réflexion serait actuellement en cours chez les éditeurs de BD sur l'intérêt de créer une plate-forme commune.Le numérique est aussi perçu comme un outil marketing magique pour un éditeur qui peut mettre à jour ses catalogues, toucher le consommateur en direct, ou encore créer de l'interactivité avec ses lecteurs. Ce qui n'est pas rien dans le monde de la bande dessinée, qui compte des vrais passionnés? Média-Participations se montre en revanche très réticent dans les sites Internet alimentés par des contenus gratuits.Pour l'heure, c'est encore la BD version papier qui se vend le mieux (lire ci-dessous). L'édition numérique balbutie et pèserait moins de 1 % du marché du livre. Les supports existants ? Reader, de Sony, ou Kindle, d'Amazon ? ne permettent pas encore de lire en couleur et sont plutôt destinés aux livres non illustrés. Hasard de calendrier, Apple est censé présenter, mercredi 27 janvier, sa tablette numérique couleur. Une tablette qui devrait proposer un autre confort de lecture pour les bandes dessinées et les journaux illustrés. Certains y voient les prémices d'un décollage du marché des contenus numériques, au-delà de la musique.
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