Israël, bientôt 32e membre de l'OCDE

Malgré les obstacles politiques liés aux relations avec sa population palestinienne, l'admission prochaine, peut-être dès le mois de mai, d'Israël dans le club des pays riches qu'est l'OCDE paraît bien partie. Le secrétaire général de l'organisation, Angel Gurria, l'a reconnue le 19 janvier dernier lors de sa visite à Jérusalem. Sur le papier, l'adhésion réclamée par Israël depuis mai 2007 paraît méritée : depuis vingt ans, l'État hébreu a réussi une véritable révolution dans le secteur de la haute technologie. Grâce à une myriade de start-up et de fonds de capital-risque, stimulé par de généreuses aides publiques, Israël a créé une deuxième Silicon Valley sur la rive orientale de la Méditerranée. Résultat : plus de 70 sociétés israéliennes sont cotées au Nasdaq de New York, un chiffre supérieur à celui de toutes les entreprises européennes présentes dans ce temple de la « high-tech ».Israël serait ainsi le 32e pays membre de l'OCDE, après l'admission du Chili annoncée en janvier dernier. Une entrée qui semble se passer sous les meilleurs présages. Tous les indices économiques du pays sont rassurants. Le niveau de l'inflation et celui du déficit budgétaire correspondent aux normes fixées par le château de la Muette. Israël a enregistré l'an dernier un excédent de sa balance des paiements courants. Bref, un véritable élève modèle. « L'entrée dans l'OCDE n'est que justice et constitue un certificat de bonne gestion et notre passage de la catégorie des pays émergents à celle des pays développés », explique Dan Catarivas, responsable des relations internationales au sein de l'organisation patronale israélienne. Selon lui, une telle promotion devrait rassurer les investisseurs institutionnels étrangers tels que les fonds de pension et les inciter à miser sur les entreprises israéliennes.Mais l'OCDE a de multiples exigences qui ne relèvent pas seulement des performances économiques, telles que la lutte contre la corruption. Si, sur ce front, Israël a fait quelques progrès, ils sont jugés encore insuffisants. L'État hébreu a signé l'an dernier une convention anticorruption et voté les lois pour l'appliquer. « Toute la question est de savoir si ces textes vont être suivis d'effets », explique un responsable de l'OCDE. Seule certitude : le chemin ne sera pas de tout repos. Dans le classement de l'indice de la transparence internationale pour la perception de la corruption, Israël arrive en 32e position, mieux que les pays voisins du Moyen-Orient, mais loin derrière les 31 autres membres de l'OCDE. Les pratiques douteuses étaient surtout en cours pour des contrats militaires. L'Organisation du commerce et du développement économique souhaite, par exemple, que la censure militaire ne puisse plus interdire la publication d'informations dans les médias sur des cas de corruption. Il est en effet arrivé que des responsables officiels israéliens invoquent des « impératifs » de sécurité pour faire taire des médias. Mais selon certains commentateurs, la censure a été utilisée dans certains cas pour imposer le silence alors que la raison d'État n'était qu'un prétexte.Ces pratiques expliquent qu'une partie des « affaires » ont été révélées ces dernières années à l'étranger notamment par les médias indiens, le principal client pour les armes israéliennes ou tout récemment par la justice du Kazakhstan. Les membres du puissant lobby militaire ne cachent pas leur inquiétude. Selon eux, le respect des exigences de l'OCDE les contraindrait à dévoiler des « secrets commerciaux », notamment sur la nature du matériel vendu. De plus, soutiennent-ils, les exportateurs d'armes des pays membres de l'OCDE savent eux aussi fermer les yeux lorsque de gros contrats sont en jeu. Seule certitude : l'enjeu est énorme. Israël est le quatrième ou le cinquième exportateur d'armes dans le monde, avec l'an dernier quelque 6 milliards de dollars de ventes. Difficile de mettre en péril un tel pactole...Prudent, le ministre des Finances, Youval Steinitz, souligne que « les critères pour entrer dans l'OCDE constituent avant tout des objectifs à atteindre » et « qu'un certain nombre de pays déjà membres ne les respectent pas tous ». Selon le grand argentier israélien, « les exigences de l'OCDE ne peuvent pas être assimilées aux Tables de la Loi, des arrangements sont possibles ». Bref, la mise en conformité risque de prendre un certain temps...En revanche, pour ce qui est du deuxième dossier hypersensible, le respect des brevets, les choses viennent d'être réglées. Teva, le plus important groupe pharmaceutique israélien et numéro un mondial pour le marché très rentable de médicaments génériques, était devenu ces dernières années la bête noire des grands groupes pharmaceutiques américains qui l'accusaient de piller leurs brevets. Sous la pression des États-Unis, Benyamin Nétanyahou, le Premier ministre, a accepté d'amender une loi destinée à mieux défendre les droits de propriété intellectuelle des groupes pharmaceutiques. Les fichiers que les groupes pharmaceutiques doivent soumettre au ministère israélien de la Santé pour mettre leurs médicaments sur le marché resteront confidentiels pour une période de six ans et demi, soit une année de plus que jusqu'à présent. Israël va également modifier sa législation sur les brevets.Actuellement, les brevets des produits pharmaceutiques expirent en même temps que lorsqu'ils arrivent à échéance dans un des 21 pays développés. Cette liste sera réduite aux plus grands marchés mondiaux, ce qui devrait permettre de prolonger la période de protection et retarder d'autant l'entrée en action des producteurs de génériques. En échange, les États-Unis appuient l'intégration au sein de l'OCDE d'Israël, qui sera également retiré de la liste de surveillance américaine des pays soupçonnés de violer les droits de propriété intellectuelle.L'admission d'Israël ne semble donc plus être qu'une formalité. Mais une inconnue subsiste. Un pays candidat doit être accepté à l'unanimité par les 31 pays membres. Il suffit qu'un seul dise non pour que le candidat soit recalé. À deux reprises dans le passé, Israël a été disqualifié. Les médias israéliens redoutent par exemple que des pays tels que la Nouvelle-Zélande, très sourcilleuse sur les droits de l'homme, mettent leur veto pour dénoncer l'impasse du processus de paix avec les Palestiniens. Pour l'Europe et les États-Unis, qui font pression sur le gouvernement Nétanyahou pour que le dossier se débloque, l'entrée d'Israël dans l'OCDE sera sans doute un argument pour faire avancer les négociations. À Jerusalem, Pascal Lacorie.
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