« Une Chine verte est une formidable opportunité pour nos entreprises »

Est-ce que la brouille de 2008 entre Paris et Pékin est définitivement derrière nous ? Oui, les relations entre nos deux pays sont sérieusement apaisées, en particulier depuis la rencontre, en avril 2009, de Nicolas Sarkozy et Hu Jintao en marge du sommet du G20 de Londres. La même année, en septembre à Pittsburgh, c'est grâce à l'appui des Chinois que la France a pu obtenir la présidence du G20 en 2011. Les deux présidents ont appris à se connaître et le partenariat stratégique entre la France et la Chine a été renforcé. Aujourd'hui, en débutant son voyage par une visite avec son épouse du site historique de Xian, Nicolas Sarkozy montre l'intérêt qu'il porte à la civilisation chinoise : c'est un signal très important pour nos partenaires. C'est aussi à Xian que le président français avait entamé sa première visite d'Etat en novembre 2007. Est-on revenu deux ans en arrière ? Non, beaucoup de choses ont changé, en particulier avec la crise économique mondiale. Les pays émergents montrent qu'ils s'en sortent plutôt bien et la visite présidentielle française s'inscrit dans un contexte de redémarrage de l'économie mondiale, dans lequel la dynamique des émergents est devenue le moteur dominant. Or la Chine joue naturellement un rôle clé au sein des pays émergents. De plus, Pékin refuse de se laisser enfermer dans un tête-à-tête avec Washington au sein d'un G2. Nous, Français, nous devons donc apprendre à composer avec des pays émergents plus puissants que nous-mêmes, tout en retrouvant des marges de manoeuvre diplomatiques sur le plan multilatéral, d'autant qu'il y a de réels sujets de tension entre la Chine et les états-Unis. Pourtant, les états-Unis donnent l'impression de savoir mieux parler que nous aux Chinois...Je ne le crois pas : les Chinois ont été blessés par certaines attitudes américaines. Comme ils sont pragmatiques, ils l'expriment de manière différente. Avec nous, la relation est plus passionnelle car elle est à la fois culturelle, politique et historique. La sous-évaluation du yuan suscite des critiques récurrentes, en particulier de la part des états-Unis. Pourquoi n'entend-on pas la France sur ce sujet ? Ce n'est pas exact : Nicolas Sarkozy a pris la même position que le président chinois sur les risques engendrés par la place du dollar aujourd'hui comme monnaie de réserve et la nécessité de réfléchir à un panier de monnaies. Quant à l'appréciation du yuan, elle est déjà en cours et elle se fait au rythme des échanges économiques. Lors de sa première visite, à l'automne 2007, Nicolas Sarkozy avait engrangé 20 milliards d'euros de grands contrats. Va-t-il faire mieux ? Je ne suis pas certain que la quantité de contrats soit l'objectif premier de ce voyage, notamment parce le président chinois Hu Jintao doit venir en France au second semestre 2010 et que beaucoup d'accords pourront être signés à cette occasion. Ce voyage devrait donner lieu à des accords dans l'environnement. Il s'agit d'une nouvelle priorité franco-chinoise ? La Chine, qui s'est engagée dans un programme de 400 villes vertes à l'horizon 2020, est en train de créer le marché des technologies vertes. C'est une formidable opportunité pour nos entreprises?; je vais donc parler au président de la nécessité de créer un pôle de compétitivité pour rassembler nos talents industriels ? et ils sont nombreux ? sur ces sujets, afin de créer des partenariats avec la Chine.Quel doit être le rôle de l'état français pour soutenir les entreprises françaises en Chine ? D'abord, un constat rassurant : nos entreprises installées en Chine se portent bien, et notre présence s'accroît. Maintenant, sachant qu'en Chine, c'est l'état qui définit les stratégies de développement, je pense que l'état français a un rôle à jouer, pour fédérer notre offre technologique par grands pôles : nucléaire, aéronautique, agroalimentaire ou développement durable. Ne serait-il pas préférable de mener une réflexion européenne, pour peser plus lourd face à la Chine ?Les relations avec la Chine constituent un des sujets les plus difficiles pour la diplomatie européenne. Les positions de la Grande-Bretagne, de la France et de l'Allemagne face à la Chine sont assez nuancées : nous ne sommes pas tous d'accord sur la levée de l'embargo sur la vente d'armes ou sur la reconnaissance du statut d'économie de marché. Tant que ces sujets ne seront pas réglés, chaque pays aura sa propre diplomatie. Sur le plan économique, même constat. Il existe bien des accords commerciaux positifs entre l'Europe et la Chine, mais les grands projets industriels restent nationaux. En dehors d'EADS, il y a peu de projets vraiment européens à proposer aux Chinois. Propos recueillis par éric Chol Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre,sénateur de la Vienne
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