La « flexi-sécurité » danoise remise en question

C'est un coup de canif dans le modèle danois. Mardi, le premier ministre libéral Lars Lokke Rasmussen a annoncé qu'il souhaitait réduire la durée d'indemnisation du chômage, qui passerait de quatre à deux ans. Cette décision a provoqué des réactions violentes en particulier de la confédération syndicale LO, qui y a vu une véritable « déclaration de guerre ». C'est surtout la preuve que la recette danoise de la « flexicurity» -ce modèle combinant la facilité d'emploi et de licenciement pour l'employeur, un système généreux d'indemnisation du chomage et un soutien actif pour la recherche d'emploi de la part de l'état-, et qui avait été érigée en modèle européen il y a quelques années, est aujourd'hui en plein chantier.A Copenhague, pourtant, les économistes jugent que le système a bien résisté à la crise. Certes, le taux de chômage, en calcul national, est passé de 1,6 % à 4,2 % en deux ans. Selon Eurostat, il serait désormais à 7,5 %, proche de celui de l'Allemagne. Mais Steen Bocian, chef économiste chez Danske Bank, rappelle que le pays a connu un recul du PIB de 5 % l'an passé. Selon lui, cette hausse est le « prix de la flexibilité ». A la différence de ce qui s'est fait en Allemagne, il n'y a guère eu de recours au chômage technique. Pour Henning Gade, de la confédération des employeurs, la situation danoise est plus saine car elle permet une adaptation plus rapide de la force de travail, notamment grâce aux mesures « d'activation » de l'état. Le chômage de longue durée reste d'ailleurs très réduit. le chômage des jeunes exploseReste que la crise va contraindre le modèle danois à évoluer. Le chef économiste de Nordea, Helge Pedersen, estime ainsi qu'on ne retrouvera pas le niveau de chômage de 2008 avant 2014, notamment en raison d'un secteur de la construction frappé par l'éclatement d'une bulle spéculative. La saignée a aussi été rude dans l'industrie où, reconnaît Marie-Louise Knuppert, secrétaire confédérale de LO, « les 200.000 emplois perdus ne seront pas retrouvés ». Il y a donc une vraie inquiétude et, selon le porte-parole socialiste Bent Gravesen, l'emploi pourrait être un des grands thèmes de campagne avant les élections générales de 2011. Le nouveau modèle danois devra surtout répondre au problème du chômage des jeunes. En un an, le nombre d'inactifs de moins de 29 ans a bondi de 30 %, alors qu'il restait inchangé pour les autres classes d'âges. « La question de la formation est le défi majeur de ces prochaines années », affirme Ove Kaj Pedersen, professeur à la Copenhagen Business School. Opinion partagée par Marie-Louise Knuppert pour qui une meilleure formation permettra de « créer de nouveaux emplois et de nouvelles opportunités » et compenser ainsi le choc des délocalisations. pénurie de main-d'oeuvreEn réalité, le thème de l'éducation, un chantier peu abordé par les politiques, rejoint les deux grandes préoccupations structurelles du pays : la faible productivité du travail et le changement démographique. « Nous sommes dans un paradoxe où l'on doit à la fois gérer le chômage issu de la crise et penser à la pénurie de main-d'oeuvre à venir », conclut Ove Kaj Pedersen. L'expert se dit toutefois confiant. A ses yeux, le seul vrai modèle danois, c'est « la capacité du pays à toujours pouvoir s'adapter ».
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