Loi sur la rémunération des dirigeants : "il faut donner sa chance à l'autorégulation"

/> La Tribune : Le ministre de l\'Economie a annoncé ce vendredi qu\'il n\'y aura pas de projet de loi sur la gouvernance des entreprises. La seule mesure que va proposer le gouvernement pour limiter les rémunérations des dirigeants sera la taxe à 75% que devront payer les entreprises pour les salaires supérieurs à 1 million d\'euros. Est-ce que cela sera suffisant ?Corinne Narassiguin, chargée de mission par Pierre Moscovici sur la gouvernance des entreprises : Je pense qu\'il faut faire les choses par étape. Nous avons montré avec l\'accord sur l\'emploi que faire le pari du dialogue est une bonne méthode. Nous sommes conscients qu\'il peut y avoir une certaine méfiance du monde de l\'entreprise vis-à-vis d\'un gouvernement de gauche.Aujourd\'hui les mesures sont plutôt éclatées. La participation des salariés, par leur présence dans les conseils d\'administration des entreprises, est inclue dans l\'accord sur l\'emploi. Une partie de cet ancien projet de loi passera par la loi de finance 2014 avec l\'instauration de la taxe à 75%.Cela ne veut pas dire que l\'on ne réflechit pas au reste. Mais si les entreprises veulent faire des efforts, il y aura plus de chances que cela aboutisse que de l\'imposer par la loi. Nous sommes donc plutôt dans une phase de dialogue, avec le Medef, sur le code de gouvernance. Mais nous resterons vigilants, c\'est mon rôle.La Tribune : Quels sont les domaines sur lesquels vous allez \"rester vigilant\" ?Corinne Narassiguin : Nous aimerions voir des rémunérations liées à des conditions de performance de long terme. Nous sommes également vigilants sur les retraites supplémentaires, qui sont aujourd\'hui mal, voire pas du tout contrôlées, autant sur leur attribution que sur leur plafonnement.Nous étudierons également la mise en place du \"say-on-pay\" [le vote des actionnaire sur  le montant de rémunération des dirigeants]. Cette mesure n\'existe pas en France, cela devra donc commencer par un \"say-on-pay\" consultatif. Nous aimerions voir comment mettre en place un \"say-on-pay\" contraignant. C\'est très difficile juridiquement. Nous devons également regarder sur quoi portera le vote : les paquets globaux des rémunérations de l\'ensemble des dirigeants, ou sur les rémunérations individuelles ? Nous préférons les votes sur les rémunérations individuelles.La Tribune : Le \"say-on-pay\" est-il suffisant pour limiter les rémunérations excessives ?Corinne Narassiguin : Il va falloir regarder comment se passent les votes en assemblée générale des actionnaires. Nous avons vu des pays où le \"say-on-pay\" ne fonctionne pas.Aujourd\'hui, nous sommes dans un contexte où l\'exigence est plus élevée. Les entreprises et les investisseurs institutionnels s\'en rendent compte. Mais il faut aussi voir comment la mise en place se fait sur le long terme, lorsque l\'économie reprendra. A ce moment-là, on aura plus de tolérance aux fortes rémunérations - ce sont avant tout les écarts de salaires qui sont les plus choquants.Certains sont pessimistes, et estiment que même le \"say-on-pay\" contraignant n\'est pas efficace. Et nous n\'abandonnons pas les idées du Pacte de compétitivité, qui proposaient notamment de donner un vote double aux investisseurs de long terme.La Tribune : Comment se déroulent les négociations avec le Medef sur ces sujets ?Corinne Narassiguin : Il s\'agit forcément d\'une discussion délicate. Mais il y a un contexte national et international. Et au niveau européen, nous attendons une directive sur ces questions.>> Lire : Un accord européen sur l\'encadrement des bonus des banquiersEt si le patronat ne fait pas suffisamment d\'efforts, nous serons prêt à revenir avec une legislation plus exigente.La Tribune : Ne craignez-vous pas qu\'un code de bonne gouvernance, moins contraignant qu\'une loi, ne soit pas appliqué par les entreprises ?Corinne Narassiguin : C\'est pour cela que la première proposition de la mission d\'information sur la transparence et la gouvernance des entreprises [dont Corinne Narassiguin était rapporteuse, ndlr], à l\'Assemblée nationale, était d\'instaurer dans la loi une sorte de code bonne gouvernance. Il faudra voir à l\'usage. Les entreprises cotées ne peuvent pas ne pas suivre un code de gouvernance, vis à vis des investisseurs notamment. C\'est plus difficile du côté des entreprises non cotées.Mais en même temps il faut faire attention à ce que les entreprises aient suffisamment de souplesse, surtout à l\'international, et c\'est pour cela qu\'il faut donner sa chance à l\'autorégulation. On voit des entreprises qui passent du temps à trouver des combines pour contourner la loi, des entreprises qui décident de ne plus être cotées pour ne pas avoir à suivre des réglementations lourdes et complexes. Il faut avoir une convergence. D\'où l\'intérêt d\'une directive européenne.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.