Aéroports de Paris : le début des ennuis en Turquie ?

Ce n\'est plus un effet d\'annonce d\'un ministre des Transports turc, qui cherchait à gagner des voix pour arracher la mairie d\'Istanbul comme on le pensait il y a quelques mois chez Aéroports de Paris (ADP)... mais la réalité. La Turquie va bel et bien construire un troisième aéroport gigantesque à Istanbul pouvant accueillir jusqu\'à 150 millions de passagers à l\'horizon 2016. Le gouvernement turc a formellement lancé l\'appel d\'offres jeudi dans le but de lutter contre la saturation de l\'aéroport international Atatürk. (lire ici l\'article : la Turquie lance la construction du plus grand aéroport du monde).Moins d\'un an après avoir déboursé 700 millions d\'euros pour acheter 38 % du capital du groupe turc TAV, propriétaire de plusieurs plates-formes dont Atatürk à Istanbul, ADP se retrouve fragilisé. Ce qui était une superbe cible il y a un an devient un facteur de risque. Soit TAV, qui va postuler pour cet appel d\'offres l\'emporte et ADP se retrouve à financer un investissement très important au regard de sa taille (moins de 3 milliards d\'euros de chiffre d\'affaires) et de son endettement (son ratio d\'endettement est passée à 87 % à la fin du premier semestre 2012), soit il perd la partie et court le risque d\'un transfert d\'activité d\'Atatürk vers le nouvel aéroport. Or, Atatürk représente une partie essentielle de la valeur de TAV.IndemnisationsPour autant, avant de crier au loup et de mesurer un éventuel impact négatif, certains points doivent être éclaircis :- Il faut déjà s\'assurer que les premiers vols débuteront bien dans les temps escomptés. Car plus le chantier aura du retard, plus l\'impact sur ADP sera moindre dans la mesure où la concession d\'ADP s\'arrête en 2021. Chez ADP comme bon nombre d\'experts on estime qu\'un tel projet ne peut voir le jour aussi vite. Reste à savoir si ce sera effectivement le cas et, si oui, combien de temps l\'activité des deux aéroports se chevaucherait.- Il faut également avoir une idée plus précise du sort qui sera fait à Atatürk au moment de l\'ouverture du nouvel aéroport. \"Car il y aura forcément un phasage dans le transfert d\'activités, explique un expert des questions aéroportuaires. Reste lesquelles seront concernées en premier ?\". Si ce sont quelques vols charter ou cargo comme c\'est le cas aujourd\'hui à Dubai dans le nouvel aéroport en construction, ce ne sera pas grave. Si c\'est Turkish Airlines, qui milite pour ce nouvel aéroport, cela le sera davantage.- Enfin, il faudra également en savoir plus sur la question de l\'indemnisation que l\'Etat turc a promise à TAV en cas d\'ouverture du troisième aéroport et voir, si en cas de préjudice, elle compensera vraiment la totalité de l\'impact.Pourquoi ADP ne savait pas ?Si tout le monde espère que cette histoire se terminera bien pour ADP, il y a néanmoins un point qui dérange dans ce dossier. Comment les cartes ont-elles pu être rebattues aussi rapidement ? Comment une entreprise contrôlée par l\'Etat qui signe en mai 2012 la plus grosse acquisition de son histoire peut-elle découvrir quelques semaines après que la Turquie entend construire un aéroport concurrent dans quatre ans ? Comment est-ce possible ? Depuis le temps où ils ont commencé à s\'intéresser à ce dossier quelques mois en plus tôt, jusqu\'à la présentation et au vote en conseil d\'administration début 2012, comment les banques conseil, les avocats, et la direction emmenée par son PDG à cette époque Pierre Graff, ont pu passer à côté ?Les syndicats ont déposé un droit d\'alerte sur la stratégie internationale et sur l\'acquisition de TAV en particulier. Selon eux, les projets d\'Ankara transpiraient dans la presse turque et spécialisée dans l\'aviation. \"Lorsque nous avons acheté, la question de la saturation d\'Istanbul se posait. A l\'époque, il était question d\'y répondre par une piste de décollage ou d\'atterrissage supplémentaire, à la charge de l\'Etat\", déclarait à \"La Tribune\" Pierre Graff le 31 août en aparté des résultats semestriels du groupe. Le 11 octobre, dans une interview aux \"Echos\", il confirmait être au courant du projet d\'un nouvel aéroport mais pas avant la fin de la concession en 2021. \"Nous étions informés de ce projet de nouvel aéroport à Istanbul, même si son ouverture ne devait pas intervenir avant la fin de notre concession, qui s\'achève en 2021\", avait-il dit. Avec ces déclarations, Pierre Graff met le doigt sur un point important. Il semble donc que le conseil d\'administration se soit prononcé en faveur de cette acquisition sans avoir les bonnes cartes en mains.Le nouveau PDG a des doutesLe nouveau PDG, Augustin de Romanet, le pense. \"J\'ai des doutes sur la qualité des informations transmises au conseil d\'administration, notamment que l\'appel d\'offres programmé par les autorités turques pour le lancement d\'un troisième aéroport à Istanbul aurait lieu plus vite que prévu\", a-t-il déclaré le 13 janvier au \"Journal du Dimanche\". Des propos lourds de sens. Car ils débouchent sur cette question. Le conseil d\'administration aurait-il voté favorablement pour la plus grosse opération capitalistique jamais lancée d\'ADP s\'il avait eu connaissance de l\'éventualité d\'un troisième aéroport dans quatre ans pour résoudre les problèmes de congestion aéroportuaire d\'Istanbul plutôt que la construction d\'une nouvelle piste ? Pas sûr.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.