Après Chypre, la Slovénie est le prochain pays sur la liste "à sauver"

Une menace s'éloigne pour la zone euro. Une autre pointe-t-elle déjà à l'horizon ? De nombreux observateurs évoquent la Slovénie comme étant le « prochain Chypre. » Dans un contexte de solidarité européenne de plus en plus conditionnelle pour les pays de la zone euro et d'une campagne électorale allemande qui incite peu Berlin, qui a les vrais manettes du MES en possédant un droit de véto implicite, à se montrer généreux, une demande d'aide de Ljubljana peut en effet encore ouvrir des discussions difficiles au sein de la zone euro.Un secteur bancaire étatisé qui a beaucoup prêtéLe principal élément qui inquiète les investisseurs, c'est le secteur bancaire slovène. La Slovénie n'est certes pas une plate-forme financière comme Chypre ou l'Irlande, mais elle est clairement malade de son secteur bancaire. Ce dernier a une particularité : il est dominé par trois groupes détenus directement ou indirectement par l'Etat : Nova Ljubljana Banka (NLB), Nova Creditna Banka Maribor et Abanka Vipa. Les banques étrangères sont présentes avec Société Générale et Unicredit, mais occupent des parts de marché très restreintes. Or, ces banques publiques ont donné des crédits à tort et à travers durant les périodes de vaches grasses de la Slovénie, au début des années 2000. Les liens entre politiques et entrepreneurs n'ont rien arrangé et ont conduit à des prises de risques considérables. Selon Bruxelles, sur la seule année 2007, la dernière année faste de la Slovénie, le crédit au secteur privé a progressé de 23,7 % ! L'endettement des sociétés privées non financières a doublé entre 2001 et 2011, passant de 64,4 % du PIB a 128,3 %, selon Eurostat.Crise et austérité plonge le pays dans la récession En 2008 et 2009, l'économie slovène, très dépendante des exportations, s'est effondrée. Le PIB a reculé de 7,8 % en 2009 et n'a jamais retrouvé de dynamisme depuis. La hausse du niveau de vie lors des années d'abondance a achevé la compétitivité du pays, tandis que l'endettement des entreprises réduisait leur capacité à investir. Les bilans des banques ont commencé à se charger en mauvaises créances. Puis, est venu la crise de la dette en Europe. Le cas slovène, avec un déficit public qui, en 2009, avait grimpé à 6 % du PIB, a commencé à être regardé de très près par les marchés et la Commission européenne. En février 2012, le nouveau Premier ministre conservateur, Janez Jansa, a décidé de faire figure de modèle. Il s'est lancé de son propre chef, dans une politique d'austérité sévère : les salaires des fonctionnaires ont été coupés, le marché du travail a été réformé, le système des réformes libéralisé : toutes les recettes de l'austérité des années 2010 y est passé. Inévitablement, la fragile économie slovène s'est à nouveau effondrée sous les coups de boutoirs de la rigueur. Le PIB s'est contracté l'an passé de 2 %. Il devrait subir le même châtiment cette année selon la Commission européenne.7 milliards d'euros de créances douteusesCette rechute de l'économie a, à son tour, aggravé le problème bancaire. Selon le FMI, qui a réalisé une visite ce mois-ci dans le pays, le taux de créances douteuses des trois principales banques atteint 20,5 % en 2012 contre 15,6 % en 2011. Désormais, les banques slovènes dépendent principalement de la BCE pour se refinancer, elles n'ont plus accès au marché interbancaire. Mais leur bilan se dégrade considérablement. Le FMI estime qu'il faudra au moins un milliard d'euros en 2013 pour recapitaliser les trois principales banques slovènes et que le montant des mauvaises créances dans les banques du pays s'élèvent en tout à 7 milliards d'euros (près de 20 % du PIB).Il faut trouver 3 milliards d'euros d'ici le 6 juinComme ailleurs en Europe, l'austérité n'a pas sauvé le budget slovène. En 2012, le déficit s'est certes fortement réduit si l'on exclut l'injection d'un milliard dans le capital des banques réalisé l'an passé, mais, au final, il s'est à nouveau creusé à 6,7 % du PIB. Trouver un milliard d'euros pour les banques sera donc bien difficile alors que, selon Janez Jansa, l'Etat doit trouver trois milliards d'euros d'ici au 6 juin prochain. Mais si les banques slovènes se retrouvent en détresse, elles emporteront l'Etat avec elles. « Un cercle négatif entre la détresse financière des banques, la consolidation budgétaire et le mauvais état des bilans des sociétés privées prolonge la récession », concluent les experts du FMI. Un cercle vicieux dont Ljubjana doit trouver le moyen de s'extirper.L'énigme politiqueL'ennui, c'est que les politiques slovènes ne s'entendent guère sur la pilule à administrer au malade. Janez Jansa avait pensé mettre en place une « bad bank » regroupant l'ensemble des actifs douteux du système bancaire appelée Bank Asset Management Company (société de gestion des actifs bancaires ou BAMC). Mais ce projet a déclenché un tollé à gauche où l'on défend plutôt un refinancement classique par de l'argent public. Le tout dans une ambiance de corruption de la classe politique, très attachée à certains privilèges et peu intéressée, du coup, par l'ouverture du pays aux investissements étrangers, ce qui freine encore la croissance. En début d'année, une commission anticorruption a accusé Janez Jansa d'avoir « oublié » de déclarer au parlement une fortune personnelle de 210.000 euros. Deux partis de sa coalition ont alors décidé de lui ôter la confiance et ont rejoint deux partis de gauche pour former une nouvelle coalition dirigée par la première femme Premier ministre du pays, Alenka Bratusek.Le pays placé sous la surveillance des marchésCette dernière est entrée en fonction fin février et a annoncé sa volonté de rompre avec l'austérité de son prédécesseur. Elle a plaidé pour « une consolidation budgétaire qui ne nuirait pas à la croissance. » Un discours qui a placé le pays sous la surveillance des marchés. D'autant que les choix du nouveau gouvernement en matière bancaire sont inconnus. On voit mal comment elle pourrait mettre en place la BAMC qu'elle a tant combattu en étant dans l'opposition, mais on voit mal également comment elle pourrait refinancer directement les banques alors que les finances publiques sont déjà à sec. « L'enjeu politique sera le principal élément à suivre à cause de son impact sur la politique budgétaire et bancaire », résumait Attard Montaldo, analyste chez Nomura la semaine passée.Dans sa décision de réduire le pays d'un cran à A- (perspective stable) le 12 février dernier, S&P mettait en avant « les risques liés à la politique de mise en œuvre de solution pour résoudre la pression économique et financière. » Globalement, comme le souligne S&P, la Slovénie souffre en effet d'un manque de transparence de son économie. La fin du régime yougoslave ne s'est pas accompagnée à Ljubljana d'une réduction de l'emprise de l'Etat sur l'économie, pas plus que de la fin de la collusion entre les élites économiques et politiques. Comme dans d'autres pays d'Europe méridionale, cette faiblesse institutionnelle semble gêner une solution durable pour le pays.Pas de demande d'aide pour le momentAujourd'hui, certes, la situation de la Slovénie est encore loin d'être comparable à celle de Chypre. L'ensemble des actifs du secteur bancaire ne dépasse pas 120 % du PIB, loin des 750 % de l'île méditerranéenne. Le pays reste encore bien noté par les agences, sa dette dépasse à peine les 50 % du PIB. Mais sa situation ne semble tenir qu'à un fil en raison du mauvais état de son système bancaire. Alenka Bratusek a promis jeudi dernier que le pays n'aurait pas besoin d'une aide européenne. On la comprend, le traitement de Chypre ne donne plus guère envie de se tourner vers ses partenaires. Mais alors, comment trouver les 3 milliards nécessaires pour le 6 juin ? Comment trouver les fonds nécessaires à la recapitalisation des banques ?Tout dépend désormais de l'attitude du marché : s'il accepte de prêter à des taux décents à Ljubljana, alors le pays pourrait peut-être tenir jusqu'en 2014, date (espérée) du retour de la croissance et de la mise en place (espérée) de la supervision bancaire européenne. Encore faudra-t-il que le MES puisse venir secourir les banques en raison des difficultés dues à leurs dettes passées, ce que la Haye, Berlin et Helsinki refusent toujours d'accepter.Pour le moment, le taux slovène à 10 ans est sous contrôle, mais est remonté à plus de 5 % dans la foulée de la crise chypriote. Reste à savoir si le pays de l'ex-Yougoslavie a encore réellement accès au financement par le marché. Tout dépendra aussi de l'attitude de la BCE dont on a vu la fermeté dans l'affaire chypriote et qui tient le destin du système bancaire slovène entre ses mains. Une chose est certaine, en tout cas : la Slovénie figure désormais en tête de liste des pays malades de la zone euro.
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