La difficile mise au régime des gourmands du téléchargement illicite

Les usages en matière de contenus culturels sur internet connaissent des mutations rapides et les internautes, de plus en plus avertis, n\'hésitent pas à diversifier leurs pratiques afin de contourner les infractions existantes. Parmi les pratiques les plus répandues, figure le « Streaming » qui consiste à offrir aux internautes la lecture d\'un flux audio ou vidéo sans avoir à télécharger, de manière définitive, l\'oeuvre visionnée.Or, à la lecture (stricte) des dispositions du Code de la propriété intellectuelle, la « consommation d\'oeuvres » via un site de streaming ne rentre pas dans le champ d\'application des infractions existantes, notamment en raison de l\'absence d\'acte de téléchargement « définitif ». Dans son rapport publié le 15 février 2013, la Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection (Hadopi) nous livre ses pistes de réflexion pour tenter de lutter contre ces nouveaux usages.Mais ce rapport illustre l\'aveu d\'un échec: celui de ne pas avoir réussi à responsabiliser directement les internautes par la prévention et la punition et de n\'avoir pas fait disparaître le piratage. Face à ce constat, la Haute autorité préconise, de manière confuse, un faisceau de mesures, toutes fondées sur la volonté de responsabiliser davantage les acteurs de l\'écosystème du streaming et du téléchargement direct.L\'aveu d\'impuissance: un arsenal juridique inadapté Avec l\'avènement du web participatif et face au développement de nouvelles formes de contrefaçon sur Internet, les lois Hadopi sont intervenues pour tenter de sanctionner ces dernières au moyen d\'une « réponse graduée ». Mais ces infractions nouvelles correspondent à des comportements strictement définis qui cristallisent les technologies. Ces comportements ont évolué mais les textes eux, demeurent inchangés et apparaissent aujourd\'hui trop étriqués au regard d\'une pratique toujours renouvelée.En se concentrant sur le téléchargement en P2P, le législateur ne s\'est guère attaqué aux véritables bénéficiaires de la contrefaçon, c\'est-à-dire aux sites (sites de streaming ou de téléchargement, hébergeurs, annuaires de torrents) qui tirent un profit commercial de leurs atteintes massives et répétées aux droits de propriété intellectuelle. Face à cette évolution à deux vitesses des technologies et du droit, le rapport souligne les difficultés (i) de mise en cause de la responsabilité des sites, notamment en raison du régime de responsabilité allégée propre à l\'hébergeur et (ii) de la suppression définitive des contenus illicites. Consciente de ces failles, la Haute Autorité propose ainsi de nouvelles pistes.Le mirage d\'une responsabilisation accrue de l\'ensemble des intermédiairesPour tenter de mettre un terme au succès du streaming et du téléchargement direct, la Haute autorité envisage d\'étendre à ces derniers l\'article L335-2-1 du CPI et préconise l\'implication de l\'ensemble de la chaine des intermédiaires techniques.Cette piste de réflexion, qui semble peu prometteuse, n\'est pas sans rappeler les débats houleux suscités outre-Atlantique dans le cadre des propositions de lois américaines largement critiquées PIPA et SOPA.D\'ailleurs, rappelons qu\'aujourd\'hui, la loi n\'oblige pas les hébergeurs de fichiers à mettre en place un système de filtrage généralisé de leurs serveurs permettant de détecter et de supprimer des contenus qui avaient déjà été préalablement supprimés. Quand un contenu illicite figure sur le site détenu par un intermédiaire, celui-ci doit retirer le contenu litigieux mais ne doit pas empêcher sa réapparition. Et pour cause, cela l\'obligerait à une obligation de surveillance généralisée dénoncée par la Cour de justice de l\'Union européenne .L\'Hadopi osera-t-elle ignorer la position européenne? Enfin, la Haute Autorité n\'hésite pas à vouloir investir les intermédiaires techniques d\'un quasi pouvoir judiciaire. Elle envisage la création d\'une liste de noire des sites litigieux, qui pourrait être transmise aux intermédiaires techniques afin que ces derniers prennent directement des mesures de blocage à leur encontre. Cela pourrait concerner les sites de paiement en ligne ou les moteurs de recherche qui supprimeraient le référencement vers ces sites et seraient ainsi amenés à préjuger du comportement prétendument illicite de certains sites. Pour inciter les intermédiaires financiers à retirer leurs publicités de ces sites, le rapport va jusqu\'à leur proposer à mi- mots, une quasi immunité judiciaire.Au-delà du caractère parfois très contestable et irréalistes de certaines des pistes proposées par le rapport, l\'on peut aussi s\'interroger sur la pertinence de ces mesures si l\'on considère que cette offre polymorphe de contenus illicites ne fait que répondre à une demande effective croissante de ces mêmes contenus par des internautes de plus en plus gourmands de culture numérique.    
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